8.5/10Les aventures de P'tit Bonhomme : c'est pas la taille qui compte !

/ Critique - écrit par hiddenplace, le 24/02/2011
Notre verdict : 8.5/10 - Deux p’tits bonshommes de chemins (Fiche technique)

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La réédition, et l’association très pertinente des deux classiques de Pierre Delye offrent à ceux qui y sont encore étrangers la possibilité de découvrir deux jolis moments de détente et de malice avec un personnage petit mais costaud.

Devenus depuis leur première parution des grands classiques des écoles maternelles et les chouchous dans beaucoup de familles, Le p’tit bonhomme des bois (2004) et La grosse faim de p’tit bonhomme (2005) nous reviennent aujourd’hui réunis dans un nouvel et unique album. En prime, l’ouvrage nous offre l’exclusivité d’être accompagné d’un CD où leur auteur, Pierre Delye, entonne de sa voix enflammée les aventures du minuscule protagoniste, complètement immergé dans ce monde improbable et  passionnément habité par les différents personnages. Le contenu reste le même, avec les deux récits qui s’enchaînent, mis en images chacun par leur illustratrice d’origine : Martine Bourre (Ours qui lit, Le doudou de Lulu) et Cécile Hudrisier (Bonne nuit petit Kaki, Les musiciens de la Nouvelle Brême). Le phrasé fringant du conteur est pour l’occasion soutenu en toile de fond par la musique sobre et efficace de Grégory Allaert.

Les aventures de P'tit Bonhomme : c'est pas la taille qui compte !
Illustration de Martine Bourre, issue de Les
aventures de P'tit Bonhomme, texte de Pierre Delye
Editions Didier Jeunesse, 2011
Ceux qui connaissent les deux albums originaux n’auront pas de grosse surprise, ceux qui découvrent auront le plaisir de posséder en format « 2 en 1 » ce duo de savoureuses histoires, et le loisir de les entendre tranquillement racontées par celui qui leur a donné vie. C’est aussi l’opportunité de saisir les quelques atomes crochus qui rend leur alliance à la fois logique et complémentaire. Car bien que créés tous deux par Pierre Delye, les deux « p’tits bonshommes » ont pourtant deux personnalités bien distinctes, déjà par leurs représentations graphiques, mais aussi par leurs aspirations et tempéraments (un drôle de lutin lunaire souvent camouflé sous sa capuche pour le héros sylvestre ; un petit poucet débrouillard et gourmand pour l’apprenti boulanger). La première aventure présente un flâneur insouciant progressivement suivi par une succession d’animaux alléchés par sa chair tendre puis par celle de toutes les autres bêtes qui précèdent. La seconde relate les démarches consécutives dont la fine bouche devra faire preuve pour obtenir le pain qui lui fait tant envie. La principale variante étant le statut du personnage au sein de l’histoire : le p’tit bonhomme des bois aurait tendance à être une victime (même s’il finit inconsciemment  par gagner le dessus sur ses « potentiels ravisseurs ») tandis que celui doté d’une grosse faim serait le « prédateur » et l’instigateur des différentes péripéties. Les deux récits présentent une structure narrative semblable : répétitive et encastrable permettant à chaque jeune lecteur/ auditeur de reprendre en chœur respectivement la liste d’animaux ou la liste des éléments nécessaires à la confection du pain, mais surtout le « refrain »  récurrent de chaque épisode : « Ce doit être bon, un p’tit bonhomme des bois » et « Parce que j’ai faim ! » . Les deux histoires sont par ailleurs dotées d’une petite morale sous-jacente amusante mais pleine de bon sens : « Ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre » et « Au lieu de donner du poisson à celui qui a faim, apprends-lui à pêcher ». En revanche seul le récit dans la forêt bénéficie très efficacement d’une signalétique visuelle permettant à l’aide d’un marquage graphique de récapituler les différents animaux croisés et la trame de l’histoire, comme ce fut déjà le cas dans Ours qui lit. L’initiative est à la fois discrète et classieuse, et rappelle les hiéroglyphes tout en offrant un sens spécifique à la narration.

Les aventures de P'tit Bonhomme : c'est pas la taille qui compte !
Illustration de Cécile Hudrisier, issue de Les
aventures de P'tit Bonhomme, texte de Pierre Delye,
Editions Didier Jeunesse, 2011
Les graphismes de chaque illustratrice sont construits sur des bases communes, fidèles à leurs techniques de prédilection (le collage, l’utilisation ingénieuse de matériaux très variés, des décors aux couleurs chaudes et naturelles), mais leur esprit est sensiblement différent, en accord avec celui du récit qu’ils illustrent. Un univers plutôt poétique et instinctif pour Martine Bourre et son petit personnage des bois, constitué de papiers déchirés et grattés, laines, feuilles mortes et pommes de pin, avec des animaux aux formes presque géométriques (qui s’harmonisent avec la signalétique narrative) et agencés selon une composition inventive et presque chorégraphique. Un monde plus méticuleux, ode au bricolage et à l’esprit « maquette » pour Cécile Hudrisier qui campe chaque figure et élément comme des marionnettes au sein d’un décor de théâtre, avec force détails et éléments de récup’ (cailloux et bouts de bois entre autres). Pas d’énorme surprise pour ceux qui apprécient déjà le travail de ces deux personnalités de l’illustration, mais gardons à l’esprit que les tableaux que nous admirons aujourd’hui datent d’il y a quelques années et sont antérieurs aux autres ouvrages précédemment cités. Concernant la partie contée sur le support audio, le plaisir palpable dont fait preuve Pierre Delye est communicatif dès les premiers mots, notamment dans l’incarnation des différents animaux du premier épisode : les petits devraient se sentir vite très impliqués dans la poursuite effrénée du p’tit bonhomme par le blaireau, le renard, le loup et l’ours, bercés par cette voix tour à tour malicieuse ou bourrue. La musique essentiellement acoustique (guitare en tête) de Grégory Allaert, qui accompagne judicieusement le tout en alternant des rythmes lents ou enjoués, devrait faire de cette écoute un moment de partage reposant et complice entre l’adulte et l’enfant avant d’aller au dodo.

La réédition, et l’association très pertinente des deux classiques de Pierre Delye offrent à ceux qui y sont encore étrangers la possibilité de découvrir deux jolis moments de détente et de malice avec un personnage petit mais costaud. L’occasion en outre de partager par la transposition audio une nouvelle vision de l’histoire par son auteur. Une version « duo » qui confronte également les graphismes savoureux et personnels de deux illustratrices pleines de fantaisie, Martine Bourre et Cécile Hudrisier. Mais ? Tiens, je mangerais bien un p’tit bonhomme des bois… parce que j’ai faim !