Ni d'Eve ni d'Adam
Livres / Critique - écrit par riffhifi, le 14/09/2007 (Tags : amelie nothomb dedicace livre nov oct livres
Un exposé sans envergure d'une tranche sans relief de la vie d'Amélie Nothomb. La vague description des différences culturelles France-Japon ne justifie pas l'ouvrage.
Amélie Nothomb, on connaît. Présente sur la scène littéraire depuis quinze ans, elle sort à intervalles réguliers (un par an) de courts romans au style reconnaissable, mélange d'interminables dialogues virtuoses et de ton acide sur la solitude de l'auteur dans un monde auquel elle ne ressemble pas. Occasionnellement, elle consacre un livre à une tranche de sa vie dont le goût lui paraît suffisamment intéressant. Ni d'Eve ni d'Adam fait partie de ces tranches, bien qu'on puisse supposer qu'il s'agisse des bas morceaux...
A l'intersection des années 80 et 90, Amélie vivait au Japon. Ses déboires professionnelles ont fait l'objet d'un livre, plus tard adapté en film, appelé Stupeur et tremblements. Mais sa vie personnelle n'y était pas évoquée, et le présent livre entend combler cette lacune. Qu'a fait Amélie de son temps libre ? Elle a rencontré un jeune homme du pays, Rinri, avec qui elle a partagé un certain nombre de moments sentimentaux.
Une constatation s'impose à la lecture : l'histoire d'Amélie et de Rinri n'a rien de passionnant. Ils se sont rencontrés (il l'a engagé pour lui donner des cours de français), ont sympathisé, et ont passé quelques mois ensemble (presque deux ans). Moui. Consciente du peu d'intérêt qu'offre au lecteur l'exposé d'une relation sans heurt majeur, Amélie Nothomb délaye tant qu'elle peut sur les difficultés rencontrées par la faute de différences culturelles. Le rapport japonais à la famille, sa façon de vivre ses années étudiantes, blablabla. Mais pas de révélation fracassante, rien de bien piquant, rien de très excitant dans ce vague documentaire qui survole une civilisation que l'occidental d'aujourd'hui connaît globalement plutôt bien.
Peu enthousiasmée par son sujet manifestement raclé dans un fond poussiéreux de ses souvenirs, Amélie se met mollement en scène dans le sempiternel rôle de la jeune Belge déphasée qui aime se poser en victime, sans pour autant en faire un axe de l'histoire.
L'affection qu'elle a eue pour Rinri (en supposant qu'il s'agisse de son vrai nom), bien qu'elle ait incontestablement existé, n'est pas vraiment palpable dans les pages du roman, à l'exception des quatre dernières, qui laissent percer plus d'émotions que les 200 précédentes.
Il est vrai, à sa décharge, que Rinri semble d'une nature si réservée et si lisse qu'il était difficile pour parler de leur couple d'user d'un style exalté...
Reste que, comme à son habitude, Nothomb a la plume facile (peut-être un peu trop parfois), et que le tout s'avale en quelques heures sans ennui. Sauf celui de repenser à ses fictions incisives comme Attentat, ou de ses récits autobiographiques plus judicieux comme Stupeur et tremblements. Inutile de dire que signé d'une autre main, le livre n'aurait jamais été nominé au Goncourt ni au prix Renaudot. A l'année prochaine Amélie, on reste confiant.