9/10Substance mort

/ Critique - écrit par Val Lazare, le 06/12/2003
Notre verdict : 9/10 - Substance Vie! (Fiche technique)

Tags : dick philip substance mort roman litterature fiction

Une intro inutile ! Une !

Philip K. Dick, ce nom ne vous est pas inconnu. Blade Runner, Minority Report sont inspirés de ses nouvelles... la réputation de l'homme n'est plus à faire. Pourtant ? tout amateur de SF et de fantasy que je suis, je n'avais jamais pris la peine de lire ses écrits. D'une manière générale, j'ai toujours été déçu par les grands auteurs de science-fiction, si ce n'est Jack Vance bien que les ayatollahs du genre pourraient me cracher que Vance n'est pas particulièrement lâche sur la science qu'il met dans sa fiction.
Enfin, il y a de ça quelques temps, je ne saurai trop dire quand, quelque part dans le passé, je traînais dans une bibliothèque après avoir trop fumé et l'angoisse caractéristique d'un excès de cigarette se faisait sentir. Souffrant, je ruminais quelques soucis existentiels... mon temps libre consumé sur internet, l'absence de lecture saine etc, etc.
Vint alors l'inévitable choix du roman à lire. Choix difficile. Prendre un livre au hasard ? Impossible. Je commençais à m'impatienter quand mon regard se posa sur un petit pavé frappé du sceau de la facilité : Philip K. Dick. A défaut de lire un bon bouquin, je pourrai tout du moins découvrir un auteur notoire et -qui sait ?- briller en société.

Le cas Dick

On m'avait parlé de la note laissée par K. Dick à l'intention de ses amis partis trop tôt, fauchés par la drogue. Une note de fin de roman, comme une conclusion aux airs d'outre-tombe. Si K. Dick n'est pas mort d'overdose, sa consommation de stupéfiants aura clairement raccourci son existence, et pourri cette dernière. Je fis le choix de commencer le roman par la fin et lus la note. Puis j'entamais la lecture de Substance Mort.

Substance Mort est l'histoire d'un non-sens. Philip K. Dick nous propose de suivre le quotidien de quatre junkies dans une San Francisco 60s décalée. Nos junkies sont des bonhommes lambda. Je ne tomberai pas dans le cliché en écrivant qu'ils pourraient être vous ou moi. On comprendra qu'ils ne sont ni bons ni méchants. Et ces quatre types, Robert Arctor, Charles Freck, Jim Barris et Ernie Luckman se shootent. Ils savent que la SM provoque l'accoutumance à la première prise. Prendre de la Substance Mort revient à vous condamner en toute conscience.

Mais nos quatre zéros aussi drôles qu'attachants poursuivent leur petite vie, vaquant à leurs occupations : deal, parlotte avec les potes, fix, sieste, bad trip, parlotte avec les potes autour de la bagnole qui a des soucis mécaniques...et ainsi de suite.
Ce que ne sait pas la brochette de junkies, c'est qu'ils sont surveillés. Et au plus près. La Substance Mort fait littéralement des ravages. Drogue de synthèse, les fédéraux ont déterminé qu'elle ne peut être fabriquer qu'à partir d'un seul et unique labo. Face à l'échec des forces de l'ordre pour localiser la source de la SM, une seule conclusion est envisageable. Les trafiquants de Substance Mort bénéficient de soutien au plus haut de l'échelle. Et pour tromper ses propres forces, le gouvernement a mis au point une parade appropriée. Des flics opérant en sous-marin revêtent un 'complet brouillé' qui dissimule leurs traits sous une apparence factice. Un des quatres junkies est un flic. Un des quatre junkies est 'Fred'. Il côtoie en permanence ses compagnons d'infortune pour remonter la source de la SM. La Substance Mort est loin d'être un long fleuve tranquille. Que restera t-il pour les uns et les autres ? La folie, le trip ultime, la mort ou l'espoir ?

J'avais été surpris par l'efficacité du récit de K. Dick à la lecture d'autres nouvelles. Il fut le précurseur d'un nouveau style : La SF contemporaine, sale et distinguée. Très loin des écrits guindés et fades d'autres maîtres se bornant à l'énumération scientifique comme le fit Verne en son temps : Asimov, Clark and co. SM va beaucoup plus loin. Presque familier, Substance Mort a perdu presque toute portée SF pour une romance au quotidien mettant le lecteur en pièces, écartelé entre humour et dépression aiguë. Pour vous donner une idée, je dirai que Substance Mort est aussi drôle qu'un Trainspotting et aussi triste qu'un Requiem For A Dream. Beau, grand, plein d'humanité... Substance Mort est un trip littéraire bourré de vie, qui vous mettra néanmoins le pêchomètre à zéro.

A lire.