7/10Le doudou de Lulu

/ Critique - écrit par hiddenplace, le 29/09/2010
Notre verdict : 7/10 - L'aventurière du doudou perdu (Fiche technique)

Adressé aux vraiment tout petits (à partir de 2 ans), Le doudou de Lulu offre un voyage coloré, vivant et musical aux aventuriers nocturnes en quête de leur doudou - et surtout d'une bonne excuse pour ne pas rester couché et aller tâter le terrain interdit par les hautes instances.

Qu'est-ce qui est doux, moëlleux, rassurant... odorant - dans tous les sens du terme ? Certes, une multitude de possibilités répondent à cette devinette, mais celle qui nous intéresse aujourd'hui, c'est le Doudou, avec un grand D. Le doudou est le substitut premier de la Maman (sauf pour le dernier qualificatif, ne froissons pas les Mamans qui nous lisent). Il se décline sous diverses formes toutes plus personnelles les unes que les autres, tantôt vingt fois le même spécimen pour faire illusion face à la boulimie affective du chérubin, tantôt une grande variété d'apparences animales ou textiles qui peuplent le microcosme émotionnel de ce même bambin. La période délicate que représente la petite enfance est constellée de moult découvertes, mais elle est aussi jonchée de drames traumatisants. Et la perte du doudou est de loin un des premiers sur la liste. Mais c'est surtout une bonne excuse pour quitter son lit douillet au beau milieu de la nuit.

Illustration de Martine Bourre
Illustration de Martine Bourre
issue de Le doudou de Lulu
texte de Michèle Moreau
Editions Didier Jeunesse, 2010
La lune est pleine, tout dans la maison est endormi. Ou presque. Lulu se réveille d'un cauchemar, et s'aperçoit que son doudou a disparu. Raconté par Michèle Moreau et illustré par Martine Bourre (
Ours qui lit), le récit de la quête intrépide du fameux doudou prend ici une dimension épique, l'objectif du voyage s'effaçant peu à peu pour laisser place à la découverte des autres lieux et objets qui l'émaillent. C'est d'ailleurs l'occasion pour la petite fille d'accumuler les bêtises loin du regard de ses parents (les bonbons, l'aspirateur, le panier de linge) ou de « goûter » aux joies des interdits associés à certains recoins de la maison. Mais bien que Lulu affiche allégrement toute la frénésie inconsciente de son tout jeune âge, l'auteure lui assigne des pensées contradictoires : bien ou pas bien ? Ces hésitations prennent la forme de deux petits personnages en retrait, mais ajoutant leur voix à celle du narrateur et de Lulu : un petit oiseau, tel un Jiminy Cricket, qui rappelle régulièrement la mission initiale et tente de la dissuader de « s'éloigner du droit chemin » ; et en parallèle une sorte de petit diablotin qui fait office de tentateur au pays des merveilles que représente le grand foyer sans surveillance. Michèle Moreau touche facilement sa cible, les tout petits qui s'identifieront rapidement à la petite Lulu, en déployant une palette de mots et de phrases simples, souvent du langage oral, sous forme de formulettes et de refrains très musicaux. Ces ritournelles sont d'ailleurs efficacement rendues par une mise en page dynamique et une typographie variées faisant écho au situations et aux bruits rencontrés, et jouant directement avec la composition des illustrations.

Illustration de Martine Bourre
Illustration de Martine Bourre
issue de Le doudou de Lulu
texte de Michèle Moreau
Editions Didier Jeunesse, 2010
Très minimaliste, voire assez simpliste, notamment dans la représentation de son petit personnage principal, l'illustration de Martine Bourre sait pourtant donner beaucoup de vie au « voyage » en lui-même, mais surtout recrée la profondeur des espaces de la maison en quelques déchirures, coups de ciseaux ou de crayons de couleur. La maison de Lulu et ses différentes pièces deviennent donc le temple du papier découpé aux couleurs vives. La superposition des papiers est particulièrement percutante dans la représentation des différents plans, ou pour évoquer les éléments et diverses matières d'un même lieu (le lit des parents, le canapé et ses coussins). La technique permet ainsi une très bonne lisibilité de l'image aux petits lecteurs qui ont encore des difficultés à percevoir l'espace.  Les compositions des illustrations sont également vivantes et équilibrées, répondant au rythme trépidant du périple, et le choix d'agencer de guingois les personnages, objets et locaux, avec quelques petits éléments anecdotiques pour agrémenter le tout, contribue à donner à l'album sa tonalité gaie et musicale.

Adressé aux vraiment tout petits (à partir de 2 ans), Le doudou de Lulu offre un voyage coloré, vivant et musical aux aventuriers nocturnes en quête de leur doudou - et surtout d'une bonne excuse pour ne pas rester couché et aller tâter le terrain interdit par les hautes instances. Joyeusement illustré grâce aux papiers découpés de Martine Bourre, et raconté sur une prose accessible et un rythme dodelinant de Michèle Moreau, le livre fera mouche dans les moments délicats de vos noctambules en culotte courte, notamment la mise au lit... avec l'espoir que cela ne leur glissera justement pas trop d'idées pendant que vous, parents, dormez !