8/10American tabloïd

/ Critique - écrit par Val Lazare, le 16/05/2003
Notre verdict : 8/10 - L'Histoire n'est pas un long fleuve tranquille (Fiche technique)

Tags : ellroy american tabloid james kennedy auteur mafia

Consacré meilleur livre de l'année 1995 par Time Magazine, aboutissement de quatre années de labeur pour son auteur, James Ellroy, American Tabloïd a tout pour convaincre le dévoreur de polars accompli. Quand on sait qu'American Tabloïd nous vomit l'envers du décor américain, un cliché des sphères du pouvoir américain du 22 Novembre 58 au 22 Novembre 63, 5 ans de marche forcée vers le pire pour une poignée d'hommes d'action, avec à l'arrivée l'assassinat de John Kennedy à Dallas, l'envie se fait pressante de mettre la main sur ce bouquin.

Si James Ellroy s'était auparavant cantonné au strict roman policier, l'auteur de la Trilogie de Los Angeles (et non du Quatuor comme on l'entend souvent) s'essaie avec American Tabloïd au roman historique. Noyée sous la romance, l'Histoire se montre sans concession avec ceux qui l'ont fabriquée. Ellroy prend un malin plaisir à ne pas démêler fictif et réel pour nous donner sa version des faits. Et sous la patte d'Ellroy, autant dire que les mythes viennent se briser au drame.

Trois héros, Pete Bondurant, Kemper Boyd, Ward Littell : respectivement homme de main ultra violent de Howard Hughes, le célèbre magnat de l'aéronautique ; âme damnée d'un Hoover grand patron du FBI, infiltrée au Comité McClellan de JFK dans l'intention de faire échouer les ambitions électorales du clan Kennedy ; agent fédéral pourchassant le communiste et rêvant de poser ses crocs sur une chair plus noble... la mafia.

Les acteurs sont là. L'écheveau se tisse alors, lentement mais sûrement : Castro prend le pouvoir à Cuba, coupant la mafia de cascades de cash en nationalisant les casinos détenus par la Cosa Nostra. Déjà sur les dents, les parrains du crime voient rouges quand le Comité McClellan de Jack et Bobby Kennedy, est créé dans l'idée de mettre à jour les malversations de la Caisse de retraite du puissant syndicat des camionneurs, autre pain béni pour nos amis mafieux.
Hoover, patron du FBI et complètement fumé du bulbe, voit d'un mauvais oeil l'ambition des Kennedy (mettre à mal l'Empire du crime) qui dissimule à peine le dessein du patriarche, Joe Kennedy : installer son satyre de fils à la Maison Blanche.
La CIA quant à elle aimerait bien faire la peau à Castro. Pourquoi ? Et bien, parce que Castro est un Rouge, enfin peut-être, et puis de nombreux amis de la CIA (des types ayant leurs habitudes du côté de Chicago, Hoover) ont tout intérêt à voir Castro partir. Donc, c'est dit, Castro sera bouté de La Havane. Une invasion en règle s'impose... attention la Baie des Cochons n'est pas loin.

Et voilà que nos trois héros sont plongés dans cet imbroglio : manipulations, contre-manipulations, assassinats, course électorale, calculs politiques, trafics de drogue etc etc... Au final, le mythe d'un JFK beau, jeune, juste est soigneusement brisé. Comme sont brisés la plupart des personnages réels et fictifs de ce roman. Peu importe, la plupart était des crapules.

Encore une fois, Ellroy dévoile tout son talent d'écrivain, maîtrisant ambiance, scénario et mise en action. Néanmoins, je placerais American Tabloïd un poil derrière la trilogie de Los Angeles, les contraintes historiques privant les héros d'un brin de charisme, et les intrigues historiques étant moins captivantes qu'une bonne enquête policière comme Ellroy sait en concocter.
Le féru d'histoire y trouvera cependant son compte et bien plus.