8/10La Nuit des temps

/ Critique - écrit par Filipe, le 07/08/2003
Notre verdict : 8/10 - Nous savons au moins déjà une chose... (Fiche technique)

D'après Barjavel, la science-fiction est l'art de la surprise où se déploie la stupeur idéale, celle qui ne comporte pas de remède. Ses romans (Ravage, paru en 1943, le Voyageur Imprudent, paru un an plus tard...) sont de véritables quêtes qui témoignent de la formidable capacité de création de leur auteur ainsi que d'une importante forme de recherche intérieure. L'aspect du discours de la Nuit des Temps (1968) est toujours aussi délirant et métaphorique. Même si Barjavel manifeste toujours une grande méfiance vis-à-vis de la science et du Destin des Hommes, son oeuvre demeure étonnamment captivante, enthousiasmante et communique une vraie joie de vivre.

Une expédition en Antarctique intercepte un signal provenant des profondeurs de la glace. Une équipe de scientifiques organise les fouilles et découvre bientôt, sous mille mètres de neige, une étrange sphère abritant la vie. Un homme et une femme, originaires d'une civilisation depuis longtemps disparue.

La Nuit des Temps s'intéresse de près à la science, puisque le récit de cette mystérieuse découverte, qui nous occupe complètement pendant toute une première partie du livre, nous intègre à une valeureuse équipe de scientifiques de tous pays, qui n'entrevoit que peu à peu l'ampleur de sa nouvelle mission. La fiction prédomine, tout naturellement, sans trop déborder. Le récit garde cette étonnante rigueur, que l'on qualifiera de scientifique. Une rigueur que l'on oublie assez vite et qui laisse bientôt place à quelques brillantes fantaisies et à quelques élans romantiques de toute beauté. On titille, à ce sujet, les meilleurs exemples de passions dramatiques, le mythe des amants légendaires.

Barjavel fait la part belle à l'aventure et réduit considérablement la place qu'il accordait autrefois à ses angoisses les plus profondes. Elles sont toutefois perceptibles en filigrane, à travers la longue immersion au coeur de cette civilisation décadente, en avance sur la nôtre bien que vieille de 900 000 ans, à travers ses quelques visions apocalyptiques et le terrible dénouement pour lequel il a finalement opté. Barjavel maintient que toute forme d'éducation ne vise qu'à retirer sa pureté à l'enfant en le transformant en une sorte d'automate conçu pour la société, pour en faire une sorte d'adulte convenable. Il achève son oeuvre de manière assez surprenante, en incitant cette jeunesse à remettre en cause l'ordre et les schémas mentaux établis. Nous savons au moins déjà une chose, c'est que l'homme est merveilleux, et que les hommes sont pitoyables.

Il ne faudrait cependant pas voir la Nuit des Temps comme une oeuvre totalement alarmante et désespérante, mais plutôt comme une sorte de mise en garde qui emprunte les traits d'un étonnant divertissement, qui nous fait changer d'air. Tout bonnement.