Le Monde perdu
Livres / Critique - écrit par Jade, le 27/04/2005 (
La petite histoire veut que ce soit Steven Spielberg lui-même qui ait demandé à Michael Crichton de rédiger la suite de son chef-d'oeuvre jurassique. Ce n'est pourtant pas lui qui tournera le film, à croire qu'il s'en désintéressa entre temps, peut-être pour aller peaufiner dans son coin le script de A.I qu'il venait de voler à son pote Kubrick.
Quoiqu'il en soit, ce qui est certain est que Crichton s'en donnera à coeur joie, allant même jusqu'à ressusciter les morts par la force de sa plume, ou du moins ceux de son précédent opus, pour les besoins de Lost World. Beaucoup purent craindre une suite fantoche, uniquement motivée par le but de se voir adapter en film. Ce n'est pas le cas. Il restait apparemment beaucoup de choses à dire sur le sujet, et Crichton réussit ici un roman à la hauteur du premier, si ce n'est encore meilleur. Quant à l'adaptation cinématographique, malgré Jeff Goldblum et des vélociraptors pleins de bonne volonté, elle reste tout à fait moyenne, si ce n'est catastrophique quand on envisage l'espace d'un instant le scénario.
Ian Malcolm se remet péniblement de son excursion sur Isla Nublar, qui lui aura valu sa jambe - et, accessoirement, sa vie, donc - et ne veut bien entendu plus entendre parler de lézards (il ignore la théorie selon laquelle les dinosaures seraient en fait plutôt les ancêtres des oiseaux). Ce n'est pas le cas de Lewis Dodgson, qui cherche par tous les moyens depuis des années à se procurer des embryons des créatures pour le compte de sa compagnie, la maléfique Biosyn Corporation. Exaspéré de voir qu'aucun de ses sous-fifres n'arrive à se procurer sur l'île des oeufs de tyrannosaures (entre autre) et survivre pour en parler, il décide d'aller se servir lui-même.
Avec son départ coïncide celui d'une expédition de biologistes qui décide d'aller observer les dinosaures pour faire avancer la recherche. Malcolm s'y retrouve bien entendu malgré lui, et le voilà reparti pour de nouvelles aventures.
Théorie du chaos oblige, Jurassic Park était un roman assez imprévisible, où l'on savait qu'à un moment ou un autre les dinosaures allaient sortir de leurs enclos et partir à la chasse à l'homme, sans vraiment pouvoir dire quand ni pourquoi. Ici, l'équilibre préhistorique est rétabli, à deux trois détails près, et ce sont les hommes qui sont tout en bas de l'échelle alimentaire, en ce qui concerne les carnivores en tout cas. Pas de grand mystère au niveau du scénario, car à vrai dire, les grands méchants sont ici les dinosaures, et il eut été difficile d'en faire autrement.
Comme il est d'usage, l'action n'éclate qu'en moitié de roman, le début servant essentiellement à poser l'intrigue. Il n'est pas réellement question de bâtir une tension dans la première partie, mais plutôt de jouer avec les attentes du lecteur, tout en donnant une certaine profondeur aux personnages et en cherchant à poser l'enjeu de l'aventure. Tout ceci reste assez limité : Michael Crichton ayant toujours eu du mal avec ses personnages (même si Ian Malcolm reste l'un de ses plus réussis), l'on ne peut s'attendre à des sommets. En outre, il semblerait que le scénario soit volontairement simpliste pour permettre de développer d'autres aspects du roman.
Si dans Jurassic Park, de nombreux éléments faisaient, si l'on peut dire, de l'ombre aux dinosaures, ils sont ici les vraies stars du roman. De nombreuses pages leurs sont dédiées, on sent bien que Crichton a des choses à dire sur ces adorables animaux, qui, somme toute, nous sont parfaitement inconnus.
Parallèlement, l'action est un des moteurs de l'histoire. Les scènes s'enchaînent dans la deuxième partie, et les cadavres s'empilent non sans un certain humour dans la mise en scène.
Moins complexe que les autres romans de l'auteur, Lost World se veut avant tout agréable à lire, tout en restant grandement efficace et intéressant. Mieux équilibré que Jurassic Park, le roman se finit de manière bien pensée, et le speech final de Malcolm sur les mystères de l'évolution aura de quoi vous laisser songeur. Songeur mais heureux, car pour une fois Crichton réussit son atterrissage.