8/10Jurassic Park

/ Critique - écrit par Jade, le 26/04/2005
Notre verdict : 8/10 - Nos amis les animaux (Fiche technique)

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Nos amis les animaux

Il fut un temps où l'idée de voir des dinosaures déambuler dans un parc d'attraction géant n'était pas encore galvaudée par trois adaptations cinématographiques et un merchandising conséquent. Les dinosaures étaient néanmoins plus à la mode que jamais au début des années 90, et notre ami Michael Crichton ne dut pas trop réfléchir longtemps pour trouver le sujet de son prochain roman. L'auteur trouve avec Jurassic Park son équilibre le plus juste : avant, ses romans sont trop techniques pour être réellement appréciés ; après, ils perdent en exactitude scientifique pour se tourner vers le sensationnalisme. Ici, l'alchimie est parfaite, ce qui explique certainement le succès interplanétaire de Jurassic Park. Un tel succès qu'à peine trois ans après, c'est Steven Spielberg lui-même qui nous sort son Jurassic Park en film.

Je ne pense pas me tromper en disant qu'à part son dernier (Prey, trop... récent ?), tous les romans de Crichton se sont vus adapter en films avec un succès plus ou moins conséquent. Jurassic Park fait partie de la moyenne faible. L'adaptation cinématographique ne proposait qu'un semblant de scénario, et s'affranchissait de tout ce qui faisait la saveur du roman. En somme, malgré son succès retentissant au box-office, et ce en dépit d'une rude concurrence, et le plaisir de pouvoir observer nos amis les dinosaures gambader en images de synthèse et rugir en Dolby Surround, Jurassic Park le film ne restera pas dans l'Histoire du cinéma. La bienséance fera que nous ne parlerons pas des deux suites dans cette critique.

Tout ceci est bien dommage car le livre duquel Spielberg s'inspirait offrait de bien meilleures possibilités.
Dans le Costa Rica, de nombreux incidents ont lieu, impliquant la mort de nouveaux-nés, décapités et parfois partiellement dévorés dans leurs berceaux en pleine nuit. La croyance populaire parle de hupia' des fantômes sans visage, voleurs d'âme vivant dans les îles environnantes.
C'est alors que les archéologues Alan Grant et Ellie Sattler reçoivent une invitation du milliardaire John Hammond afin de donner leurs avis de spécialiste sur un parc d'attraction d'un genre très spécial destiné à ouvrir sous peu. Il s'avèrera plus tard que de nombreuses rumeurs sur ce parc courent, notamment chez les principaux actionnaires, qui n'hésiteraient pas à ordonner l'abandon du projet en cas de danger. En effet, le projet est de taille, et le danger potentiel conséquent : il s'agit de recréer dans un zoo la faune et la flore d'il y a 65 000 000 d'années, soit à proprement parler, de recréer génétiquement des dinosaures.
Le Jurassic Park a-t-il un lien avec les morts mystérieuses sur les côtes ? Rien n'est moins sûr pour les créateurs du parc qui ont élaboré un système de sécurité infaillible afin d'empêcher toute fuite des lézards gigantesques. Un système sans faille dont Grant et le mathématicien Ian Malcolm exposeront peu à peu les faiblesses, jusqu'à démontrer que la situation que l'on croyait complètement sous contrôle ne l'était en fait qu'en apparence.

Crichton dirige ici son scénario, d'une cohérence plus qu'honnête, avec une maîtrise impressionnante, mais somme toute assez académique. Pas de surprise au niveau de la construction dans ce roman formaté pour plaire à tous. Le suspense s'installe peu à peu, se basant sur une intrigue solide, qui s'embrume de plus en plus jusqu'à la révélation, coïncidant avec le début de l'action à proprement parler. Crichton est, si je ne m'abuse, l'un des pionniers de la première génèration des auteurs de blockbuster novels', avec son petit camarade John Grisham, ces romans destinés à séduire petits et grands par leur suspense ravageur et des intrigues éminemment techniques. Jurassic Park répond avec exactitude à ces critères, ce qui ici n'est pas un mal, la qualité étant très largement au rendez-vous.

Se basant sur le récent boom des biotechnologies (nous sommes en 1991, rappelez-vous), l'émergence des compagnies privées de recherche, et sur l'incapacité de contrôler cette recherche, Crichton s'attache à nous montrer à quel point ce tournant pris par la science est dangereux. Non pas que le risque de créer des monstres incontrôlables soit réel, mais plutôt dans la mesure où la recherche est désormais stimulée par l'argent et non le simple mérite. Dès lors, tous les moyens deviennent bons pour gagner cette course sans arbitre.
Le problème est plus que jamais d'actualité, avec les OGMs : si la loi ne peut réglementer ce milieu en constante évolution, il ne serait pas bête de penser à aller fouiller dans les affaires des compagnies privées, histoire de savoir plus précisément quels sont les risques de se mettre à briller dans le noir après avoir mangé une salade de maïs.

La politique, c'est bien beau, mais les dinosaures dans tout ça ? Cet aspect du roman reste purement fictif, bien sûr. Cependant, la théorie reste basée sur des faits scientifiques tout à fait exacts. C'est à coup de pirouettes techniques que Crichton arrive à nous convaincre que ses dinosaures sont réels, et le bougre est diablement convaincant, mais aussi diablement intéressant. Même ceux qui dormaient en cours de biologie sauront s'attacher à ce petit exposé improvisé sur l'ADN et la génétique, tant l'auteur arrive à en faire ressortir tout ce que cela à d'excitant et de passionnant. Il garde par ailleurs un style tellement simple que n'importe qui pourrait lire le roman en anglais sans perdre grand-chose de l'action. La vulgarisation scientifique à son meilleur niveau.
Crichton, s'inspirant de l'oeuvre de James Gleick sur la théorie du chaos, arrive à donner vie à une théorie à la base plutôt abstraite. On sent clairement la situation dégénérer peu à peu, d'une simple erreur de calcul au chaos le plus total. A nouveau, les explications sur le sujet ne pourront que passionner le lecteur.

Jurassic Park est un roman d'une très grande qualité, un peu lent à démarrer et un peu prompt à s'arrêter, mais réellement passionnant, et l'un des derniers de Michael Crichton à ne pas se perdre dans le piège du best-seller.