3/10Le Dramaturge

/ Critique - écrit par Kei, le 22/04/2008
Notre verdict : 3/10 - Beaucoup de bruit pour rien (Fiche technique)

Un style pas folichon, une intrigue un peu simplette, des personnages classiques et un développement laborieux. A ne mettre dans sa bibliothèque que si la tranche du volume vous plait.

La collection Série Noire de Gallimard est celle qui nous a offert il y a peu l'amusant Des Clopes et de la binouze. Au vu de ce seul roman, elle semble porter très justement son nom : des sales gueules, de la violence, des perversions et de l'humour bien noir. C'est donc tout heureux que l'on se dirige vers Le Dramaturge, dont le quatrième de couverture nous apprend que l'auteur a reçu de nombreux prix de littérature policière pour ses romans. Il ne faudra pourtant pas bien longtemps pour comprendre pourquoi celui ci en particulier n'en a reçu aucun.

Jack Taylor est une figure classique du roman noir : ancien inspecteur, il a dû quitter la police pour des motifs obscurs (ils sont peut être explicités dans un des autres livres dans lequel il apparaît, celui-ci étant au moins le 4ème) et se livre depuis au classique triptyque drogue, alcool et clopes. Mais tout cela, c'est du passé. Jack est clean depuis 6 mois et il compte bien le rester. Alors bien évidemment, quand son ex-dealer récemment emprisonné lui demande de retrouver le meurtrier de sa soeur, dont il n'accepte pas la mort accidentelle, et quand une seconde jeune fille est retrouvée morte dans des conditions similaires et elle aussi avec un volume d'une oeuvre de Synge sous son corps, il décide de se mettre aux trousses de l'assassin.

Tout comme dans La Colline des chagrins, l'action prend place dans la ville de l'auteur. Point de lieu prestigieux dont le nom sonne comme une promesse d'aventure aux oreilles du lecteur, mais une petite ville d'Irlande : Galway. L'occasion de mettre un pied dans une culture quelque peu différente de celle à laquelle on est d'ordinaire confronté dans les livres du genre. Après tout, les bas fonds de Galway ne sont pas réputés comme ceux du Bronx. Mais à moins que toute l'irlande vive dans un passéisme aussi navrant, il faut croire que l'auteur a eu quelques soucis à intégrer les changement survenus lors des années 90 et 2000. Que ce soit au travers de la technologie évoquée (le héros emporte avec lui son walkman cassette, qu'il trouve autrement plus pratique qu'un lecteur CD - quid du MP3 ?) que des personnages rencontrés (la seule personne ayant moins de 30 ans est le dealer). Oh bien sûr, il pourrait s'agir là d'un simple artifice destiné à renforcer le coté sombre du roman, mais la passéisme qui se dégage des pages à de quoi en énerver plus d'un.

D'autant plus que les pages ne parlent que de cela ou presque. L'action véritable prend place entre les pages, entre les chapitres. Les deux grandes énigmes étant résolues en trois lignes de texte chacune, après avoir été introduites respectivement au tiers et à la moitié du roman, l'espace est meublé par les tribulations du héros et sa lutte perpétuelle contre ses anciennes afflictions et ses ex-collègues qui lui enfonceraient volontiers un pieu dans le coeur, mais qui lui donnent cependant sans trop rechigner toutes les informations dont il a besoin. Il faut dire qu'il doit s'agir de leur seule fonction puisque les grands criminels sont punis en deux coups de cuillère à pot par Jack et son copain barman.

Plus qu'une véritable enquête, ce sont les états d'âme de Jack qui occupent les chapitres du livre. Outre le fait qu'ils ne soient pas bien intéressants (oui il abandonne sa mère en maison de retraite et il se sent coupable, oui il n'arrive pas à décrocher d'un amour précédent, oui il est fatigué de voir son passé lui être balancé à la figure régulièrement, mais il ne fait que constater, il ne lutte pas), ils sont surtout écrits dans un style fluctuant. On passe du simplement banal au médiocre et du médiocre au banal régulièrement. Les phrases restent elles dans le style archi revu du genre : récit à la première personne, temps limités à ceux du langage familier, phrases nominales jetées ici et là. On ne pourra même pas se délecter d'un langage un peu fleuri : tous les personnages semblent n'être capables que de s'exprimer avec un vocabulaire dans lequel l'emploi de "coller" en lieu et place de "mettre" est un haut fait de vulgarité.

Soyons gentil, passons sur le final inutile, parachuté et navrant de facilité pour conclure. Le Dramaturge est un roman noir, très clairement, mais un roman vide d'intrigue, écrit dans un style quelconque, franchement énervant par moments et régulièrement ennuyeux. Pour 18.50€, on aurait pu s'attendre à beaucoup mieux.