The Thing
Livres / Critique - écrit par hiddenplace, le 04/12/2008 (
Amis amateurs de fictions horrifiques, mettant en scène des créatures tentaculaires et envahissant le corps de vos voisins, vous allez être déçus. Ou bien convertis ?
Si vous êtes amatrice (ou amateur, mais c'est, hélas, moins fréquent) de couture, de doudous et de blogs, vous connaissez peut-être comme moi le nom pétillant de Cécile Bonbon. Depuis quelques années déjà bien connue de la « blogosphère » créative, derrière ce pseudo sucré et coloré, se cache donc une illustratrice. Mais une illustratrice aux techniques peu conventionnelles, qui fabrique des personnages et des paysages composés de rayures, de pois, de chevron et de pied-de-poule, de laine, de feutrine, de coton tout doux, de fermetures éclair et de boutons...
Dans cet album au titre relativement obscur au premier abord, Cécile Bonbon s'associe avec Stéphane Servant. Nous sommes ici en présence d'un véritable album pour les tout petits, destiné à titiller leur imagination à partir d'un simple objet anodin, à savoir un petit bout de tissu à rayures. Un peu à la manière d'un test de Rorschach, en fait. A ceci près que cette édition-là est la version bilingue, anglais-français, du même album original : Le machin, sorti en mai 2007. Depuis peu, les éditions Didier Jeunesse ont eu la lumineuse idée d'éditer quelques uns de leurs titres en version bilingue, permettant ainsi d'ajouter une autre corde pédagogique à leur arc. Le texte traduit tout en anglais par Cathleen Vella accompagne donc les grandes illustrations chamarrées, tandis que le texte intégral en français de Stéphane Servant, est rassemblé sur la toute dernière page du livre, pour le lecteur pas complètement anglophone et de ce fait, légèrement perdu.
Quelle est donc cet étrange objet, ce machin, cette « chose » (traduit ainsi en anglais) ? C'est la question que se posent tous les animaux rencontrés dans l'histoire, de l'éléphant au petit canard, en passant par la fourmi. Chacun y voit ce qu'il a envie d'y trouver, pour se vêtir, se réchauffer ou se protéger. Mais seule la chute nous apprendra vraiment la nature de ce petit bout de tissu, avec un brin d'humour que les enfants relèveront avec un plaisir certain.
Illustration de Cécile Bonbon, texte de Stéphane Servant traduit par Cathleen Vella
Editions Didier Jeunesse, Paris, 2008.
Le texte de Stéphane Servant promène, sur une musicalité (encore plus marquée en anglais) et des tournures non dénuées d'humour, son petit lecteur avide de découvrir enfin ce qu'est ce machin en tissu. Les phrases, sur une structure répétitive très facile à retenir du jeune enfant, bénéficient d'ailleurs d'une mise en page très dynamique : elles s'immiscent directement dans l'illustration, jouant sur le sens des mots en déroulant, retournant, grossissant ou réduisant parfois la forme, à la manière d'un calligramme. Le nom des protagonistes, aux sonorités simples et tintinnabulantes, sont particulièrement bien choisis pour favoriser la mémorisation et la répétition.
Destiné à la base aux tout petits (à partir de 4 ans), c'est un très agréable support de langage pour un travail sur les animaux, les formes et les couleurs. La version bilingue est également très efficace pour transmettre les premiers rudiments de la langue de Shakespeare. Le vocabulaire en anglais, peut paraître parfois difficile (pour ma part, j'ai appris que « a ewe » était une brebis, je ne le savais pas !), mais la grosseur des illustrations, frontales et pleine page qui plus est, ne laisse aucune ambiguïté sur le sens des mots rencontrés - peut-être une éventuelle confusion entre brebis et mouton, mais c'est tout à fait rectifiable.
A ce propos, la technique vivante et rassurante de l'illustration en tissu, si chère à Cécile Bonbon, est un véritable plaisir visuel, tout à fait identificateur pour le tout petit lecteur encore bien souvent attaché à son doudou. Ne manque que la sensation tactile (qui d'ailleurs existe dans le domaine éditorial, à l'attention des tout petits justement, et dans certains beaux livres, pour les lecteurs non voyants) pour parfaire l'expérience très riche de ces images. Mais on ne va pas pinailler, car bien sûr cela nécessite des moyens considérables. Et la reproduction sur papier glacé reflète plutôt bien les textures des différents matériaux utilisés. Le très doux côtoie le plus rugueux, à l'image des animaux et de leur caractère bien trempé !
A travers une histoire à la fois simple et enjouée, traduite en anglais pour amorcer un premier contact ludique avec cette langue, des illustrations fraîches, tendres et rassurantes, The thing est un album qui ravira les jeunes lecteurs. Et certainement aussi les amateurs de créations originales, chaleureuses, voire un brin artisanales. Et puis également ceux qui aiment découvrir que toute « chose non identifiée » n'est pas forcément un monstre hostile et sanguinolent. D'ailleurs, c'est quoi ce machin bizarre, derrière vous, là ?