6.5/10De la terre au soleil

/ Critique - écrit par hiddenplace, le 09/02/2009
Notre verdict : 6.5/10 - Les mondes engloutis (Fiche technique)

Tags : soleil terre annees geante rouge orbite systeme

Une invitation à redécouvrir le voyage dans le métro à travers des yeux d'enfant... Pour vivre une aventure palpitante, magique et spectaculaire.

Le métro a ceci de joli qu'on y voit le jour comme en pleine nuit, fredonnait Bénabar dans sa chanson Couche tard et lève tôt. Lieu mêlant vie pratique, rencontres fortuites de foules diamétralement opposées, euphorie du dépaysement accessible et désespoir de la monotonie quotidienne. Un adulte pointilleux pourrait, sur ce transport et ses interminables couloirs et tunnels, mener une étude socio-anthropologique poussée.

Ici, Michel Piquemal de sa plume poétique, et Barroux de son pinceau minimaliste, ont choisi la voie métaphorique pour ce voyage dans les profondeurs du métropolitain, en compagnie d'un petit garçon et de sa Maman.

Pour la plupart des jeunes enfants, un simple voyage dans les transports en commun est une véritable expédition. C'est ici le cas pour notre jeune protagoniste, qui appréhende chaque nouvelle étape de son périple comme un aventure épique parsemée de petites embûches et de fabuleuses découvertes. A travers son regard friand de trouvailles, Barroux dessine littéralement les représentations enfantines : on croisera avec lui tantôt le train fantôme et ses portes aussi dangereuses que des ciseaux, tantôt de véritables marées humaines aux couleurs de la Chine ou de l'Afrique qui se précipitent vers la sortie,  mais aussi des compartiments qui ressemblent à s'y méprendre à des boîtes de sardines, les lances de deux guerriers Zoulous qui se transforment en vulgaires barres de métro... Dans une double page astucieuse, le si familier plan de métro est détourné en un vivant collier de hublots, où l'on peut espionner à loisir les mini-tragédies des badauds.

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Illustration de Barroux
Didier Jeunesse, Paris, 2008
Les illustrations en double-page sur un assez grand format nous offrent le trait enlevé, voire synthétique de Barroux. A grand coup de pinceau sur un trait fin à la mine de plomb, l'illustrateur installe des personnages minimalistes, des silhouettes lunaires aux regards perdus (comme ceux des voyageurs de nos transports quotidiens). De ci de là, sont apposées quelques collages de fragments publicitaires, issus probablement d'affiches, qui dynamisent de leurs couleurs franches la tonalité ocre générale, plutôt douce et reposante. Les compositions frontales et presque géométriques des doubles pages paraissent parfois un peu classiques, voire redondantes, à l'exception du plan de métro et des dernières pages, en parfaite adéquation avec la fin du voyage.  Mais un jeu intéressant sur des typographies grossies et colorées, utilisées notamment pour les bruits et les haussements de tons dans les bousculades, casse agréablement le rythme des illustrations.

Le texte de Michel Piquemal est par ailleurs une délicieuse réussite : alliant une narration au phrasé musical (pas uniquement dans ses rimes, mais également dans le rythme saccadé de ses vers, très proche de la chanson) aux  onomatopées, il tisse un lien poétique entre les fantasmes du petit garçon et notre vision plutôt ennuyeuse de ce moyen de transport. La chute de l'histoire (la destination finalement atteinte par le petit bonhomme et sa Maman) justifie enfin le besoin pour cet enfant - pour tous les enfants qui prennent le métro - de mettre en marche son imagination fertile dès qu'il pose un pied sur le quai. De la terre au soleil : en effet le titre prend tout son sens à la toute dernière page. On découvre presque à travers le regard du garçonnet - et une contre plongée très appropriée - le trophée de ce grand périple.

Un album intéressant qui précèdera volontiers une sortie dans le métro pour un jeune public, permettant d'aborder innocemment le paradoxe de la galerie souterraine / « obscurité » en pleine journée, ainsi que l'extraordinaire richesse du melting pot qui peuple ses couloirs. De la terre au soleil : le voyage est excitant, on y observe un paysage pittoresque et très impressionnant. Presque comme une fusée. Mais horizontale.