La stratégie Ender
Livres / Critique - écrit par Islara, le 12/09/2012 (Tags : ender strategie card orson scott roman histoire
Le roman a été réédité.Que peuvent donc avoir en commun Orson Scott Card et Stephenie Meyer, si ce n'est qu'ils sont tous deux écrivains ? Bizarrement, il s'avère qu'ils sont tous deux membres de l'Eglise de Jésus-Christ des Saints des Saints des derniers jours, en bref, qu'ils sont Mormons. Et bien que leurs œuvres respectives soient totalement différentes par le genre, l'univers, le style, on y trouve, si on cherche bien, certains points communs.
Ainsi, si Twilight était atypique sur l'univers vampire, La Stratégie Ender l'est tout autant pour la science-fiction. Peu de vaisseaux spatiaux, peu de descriptions de l'univers technologique, peu de voyages interstellaires mais tout cela est bien présent quand même. On est clairement dans un futur lointain de la Terre (parfois d'ailleurs très visionnaire sur notre société actuelle de réseaux informatiques et internet, ce qui est assez stupéfiant), cependant, cet univers s'avère avant tout un simple décor destiné à mettre en valeur le plus important : une apocalypse imminente, trois enfants surdoués, quelques colonels et gradés de l'armée et un ancien héros de guerre.
Et ainsi, le lecteur, au lieu de s'évader dans une belle fresque spatiale, se trouve dérouté, dès les premières pages, par la présentation et la tournure de l'intrigue. Ce sentiment de déroute est évidemment tout à fait délectable car, outre l'effet de surprise, l'intensité est tout de suite à un niveau très élevé. Cette intensité est en prime à facettes multiples : émotive, par l'attachement que l'on porte rapidement au héros principal et à son entourage, et par la description particulièrement détaillée et complexe des états d'âmes de ceux-ci ; scénaristique, par le rythme effréné de l'intrigue qui évolue à toute vitesse sans pour autant oublier de s'attarder sur certaines périodes précises, ou évènement particulier, et par quelques coups de théâtre bien pensés ; intensité intellectuelle enfin, car les méandres des pensées de tous ces personnages minutieux, ne seront pas toujours facile à suivre et cela obligera le lecteur à se mettre à niveau s'il ne veut pas se perdre.
Evidemment, il finit en film,
avec notamment H. FordPoint du tout étonnant, dès lors, que ce premier roman d'une trilogie, démarrée en 1985 (allant par la suite jusqu'à six tomes) ait reçu les prix Hugo et Nebula.
Détail d'importance en outre, et c'est pourquoi Krinein a décidé de lui dédier une critique autonome, La Stratégie Ender, bien que suivie d'autres tomes comme nous le disions à l'instant, peut se suffire à elle-même. Elle clôt ce qu'elle a commencé, ne s'arrête pas en route comme le font trop souvent les romans d'aujourd'hui, cédant à la tentation du cliffhanger pour assurer la vente des opus suivants. Et cette caractéristique est ma foi plaisante puisqu'elle est aujourd'hui à contre-courant de ce qui se fait.
Une seule question nous taraude en définitive : si l’œuvre nous livre un portrait très réaliste de l'enfance, avec son besoin vital d'amour et d'affection, et son occasionnelle cruauté, et même si ce portrait est un peu faussé par les qualités de surdoués de tous ces enfants, Ender semble trop parfait. Orson Scott Card a-t-il voulu en faire une sorte d'icône volontairement non réaliste, ou est-ce tout simplement une erreur de sa part sur laquelle, notre nouvelle génération anti-manichéenne et anti-héros parfait est très intransigeante ?
Ce sera à vous d'en décider, ami lecteur, et de faire abstraction des quelques maladresses de traduction de cette édition, ainsi que de l'amusante référence décalée à la guerre froide, laquelle n'était pas finie quand Orson Scott Card a achevé son travail, donc on lui pardonne. Quoi qu'il en soit, ce roman se destine par ses qualités tout à fait originales à tous les amateurs de littérature, et pas seulement à ceux de la science-fiction.