5.5/10La Proie

/ Critique - écrit par Jade, le 02/05/2005
Notre verdict : 5.5/10 - quand le lecteur devient la proie (Fiche technique)

Ce roman de Michael Crichton, le dernier en date, est celui qui se rapproche le plus de la science-fiction. Si Timeline parlait de voyages dans le temps, Prey confronte des scientifiques à un organisme robotisé doué d'une capacité d'apprentissage supérieure, prenant comme référence évidente Isaac Asimov et Philip K. Dick, deux des plus grands écrivains du genre. Notre petit coté chauvin nous pousserait même à voir dans la conclusion du roman un hommage à Barjavel.
Pourtant, si il y a un reproche que l'on ne peut pas faire à Michael Crichton, c'est bien celui du plagiat. L'auteur, même à l'apogée de son succès commercial, garde un style qui lui est propre, et une manière très personnelle d'exploiter ses références. Prey n'innove certainement pas dans le genre déjà surexploité de la science-fiction. Mais, en se gardant de faire dans l'anticipation, il emploie une approche suffisamment originale et novatrice pour se démarquer des poids lourds du genre, ce qui n'est jamais une mince affaire.

Jack Forman est un programmateur informatique au chômage, confronté à la dure réalité de la demande et de l'offre, baby-sitter de son fils en attendant de retrouver un emploi. Il est embauché par la société de sa femme qui aurait quelques problèmes avec un programme qu'il a créé et qu'ils utilisent comme base à un projet d'envergure. Ce projet en question est la création d'un organisme autonome composé de milliards de micro processeurs de la taille de quelques nanomètres. Cet organisme en question prend donc la forme d'une espèce de nuage composé de milliards de nano-robots, et apprend peu à peu les principes de la vie sur Terre, mais réussit à s'enfuir. Heureusement, le laboratoire étant situé en plein milieu du désert du Nevada, les chances de fuite du nouveau-né sont faibles, surtout que sa conception est loin d'être parfaite.
Seulement, n'étant pas parfait, il doit apprendre pour survivre et subvenir à ses besoins élémentaires, comme le renouvellement de ses sources d'énergie. Il évolue donc peu à peu pour survivre, gagnant en complexité et en intelligence, prenant ainsi conscience de son état et apprenant à utiliser ses différences à son avantage. Bien vite, le robot arrive à se multiplier, et devient même agressif.
Du coté des humains, Forman est mis face à un réel défi, celui de prévoir quelles seront les difficultés des robots dans leur évolution, comment ce dernier tentera de les anticiper, et agir en conséquence afin d'arrêter la menace.
Ainsi se met en place un petit jeu de chasse, où le chasseur devient vite chassé, et il est bien vite question de survivre plutôt que de ramener une expérience ratée.

Prey commence bien, un peu léger au niveau des détails scientifiques, pour se pencher sur la situation sociale de son héros. Jack est un américain typique, jeune et intelligent, qui doit faire face à ses premiers problèmes de couple tout en élevant son enfant. L'aspect social de ses héros a toujours préoccupé Michael Crichton, qui à défaut de savoir rendre ses personnages originaux, sait les camper dans une réalité bien nette. On avait pu le constater dans Airframe, notamment, mais ici, le phénomène prend une ampleur presque gênante pour les non-américains que nous sommes. Et ce, donc, au mépris de l'aspect scientifique, ce qui est bien dommage, car il y aurait énormément de choses à dire sur les nanotechnologies. A la place, le lecteur se contentera de quelques banalités ‘pour faire bien', que l'on est en droit d'attendre d'un thriller technologique, histoire de briller en société (le café est moins fort en caféine que le thé, c'est fou non ?).

Mais une fois de plus, c'est la conclusion du roman qui vient clore en beauté ce festival de platitudes.
Comme à son habitude, Michael Crichton se plante de toute son ampleur sur une conclusion molle et frisant le ridicule. On pensait avoir atteint un fond avec Timeline. Erreur. Prey se termine sur un final digne d'un film de série B, ce qui à vrai dire était prévisible vu que le ‘méchant' du roman est après tout un nuage tueur. On retiendra comme impression ultime un épilogue réellement bien écrit et dont les tournures apocalyptiques ont de quoi faire rêver. Le roman prend une tournure quasi-prophétique, et Crichton parvient à exprimer avec une sensibilité rare la situation d'urgence dans laquelle nous sommes face à la science. C'est ce genre de passages qui nous fait dire que l'auteur à une réelle fibre d'écrivain, et qu'il est bien triste qu'il ne l'emploie pas plus souvent.

Pas de surprise, ce Prey reste une déception nous poussant à croire que Michael Crichton n'est plus l'homme qu'il est depuis Jurassic Park et la troisième saison d'Urgence.