Prisonniers du temps
Livres / Critique - écrit par Jade, le 30/04/2005 (Tags : temps film livres prisonniers crichton age fiction
Sorti en 2000, Timeline s'annonçait avant sa parution comme le futur best-seller de Michael Crichton, un modèle du genre, une sorte de Jurassic Park médiéval qui détruirait tout sur son passage. Attendu par les fans comme par deux ou trois profanes (peut être un peu plus, vu la côte de popularité grimpante de M.Urgence) un peu au courant des choses, Timeline avait intérêt à cartonner grave.
Crichton voit les choses en grand et s'attaque carrément au mythe de la machine à remonter le temps. Un bon siècle après H.G Wells, les progrès de la science arrivent à fournir un support bien plus cohérent aux voyages spatio-temporels, en l'occurrence la physique quantique. L'auteur s'en sert avec le talent qu'on lui connaît pour expliquer les détails techniques. Cette matière remet totalement en question les fondements de la science moderne, et à vrai dire, on se demande parfois où commence la fiction.
Le roman est ingénieusement divisé en deux parties, une première servant d'exposition aux événements, et une deuxième pleine d'action et de sueur. Un découpage plutôt conventionnel et efficace.
La première partie est intéressante, laissant le lecteur sur sa faim, comme tout bon roman à succès se doit de le faire.
Une fois n'est pas coutume, Michael Crichton présente des personnages relativement banals et peu travaillés. Ici, ils sont en plus assez agaçants, notamment Chris, jeune premier toujours bien coiffé et tellement cliché que l'auteur lui-même s'en moque ouvertement. Quoiqu'il en soit l'histoire s'engage plutôt bien sur une première moitié somme toute bien menée.
C'est dans la deuxième partie que l'on commence à sérieusement perdre les pédales. S'emmêlant royalement dans la profusion de personnages secondaires inutiles et d'éléments logiques à gérer, Michael Crichton perd son lecteur dans un brouillard épais ; en l'occurrence un énorme nawak scénaristique. Des protagonistes apparaissent à foison, disparaissent, reparaissent sans justifications, des événements se produisent sans explication, et le tout vire vers une conclusion tellement biscornue que Maître Crichton lui-même a forcément dû à un moment où un autre se gratter la tête en se demandant s'il ne se dirigeait pas à toute vitesse vers un gros mur de briques, ce qui est malheureusement le cas.
L'époque est retranscrite par clichés énormes (et hop, le tournoi avec la gente dame, et re-hop, le château assiégé par les Anglais), pour la plupart faisant penser au dessin animé de Robin des Bois plus qu'à une quelconque exactitude historique sur laquelle l'auteur bâtissait pourtant sa première partie.
C'est ainsi que transparaît dans toute sa splendeur la raison de l'échec : soucieux de plaire à tous, Michael Crichton s'est attaché à ne pas faire trop : des explications pas trop compliquées, des personnages pas trop originaux (il est naturellement bon pour ça, je l'ai dit) et surtout une retranscription pas trop en dehors de l'idée qu'un Américain moyen peut avoir du Moyen Age.
L'une des plus grandes déceptions de la littérature américaine (non, je n'ai pas peur des mots !). Un auteur talentueux, une histoire engageante et une époque plus que fascinante en perspective. Le tout gâché avec brio, dans un méli-mélo incompréhensible quasiment digne de son adaptation cinématographique. Les amateurs iront relire Le Nom de la Rose.