6.5/10Porteurs d'âmes

/ Critique - écrit par Kei, le 24/07/2007
Notre verdict : 6.5/10 - Douce France... (Fiche technique)

Tags : bordage pierre livre stars ames histoire porteurs

Agréable mais pas indispensable. Le dernier Bordage, tout en étant une lecture sympathique, est empreint d'une certaine naiveté parfois trop envahissante.

Un nom ne fait pas tout. Mais un nom comme celui de Pierre Bordage est synonyme d'une certaine qualité d'écriture. Le bonhomme (j'espère que vous me passerez cette familiarité) a suffisamment roulé sa bosse dans le milieu et n'a plus à montrer qu'il est doué. Avec une petite cinquantaine de romans à son actif et quelques prix littéraires, on peut considérer le personnage comme une valeur sure du PSFF (paysage science-fictionnesque français), au même titre qu'Ayerdhal. C'est donc sans surprise qu'on passe un bon moment avec ce roman. L'affaire se lit rapidement et avec un certain plaisir. Mais dès que l'on pose le roman, on se rend compte de certaines faiblesses et de certains raccourcis qui manquent de finesse.

Porteurs d'âme, c'est trois histoires croisées, trois histoires n'ayant à priori aucun lien, qui se révéleront bien plus liées qu'elles ne le paraissent. Léonie est une jeune noire d'une vingtaine d'années, arrivée clandestinement en France à 12 ans et qui a fait les beaux jours de sa tante en comblant les pulsions pédophiles et néocolonialistes de la haute parisienne. Cyrian est issu de cette même haute qui se complaît dans sa fortune, méprise les noirs et s'achète une bonne conscience en donnant à des ONG célèbres. Il tente d'entrer dans une confrérie secrète qui lui assurera, en plus de la réussite de ses études, un futur doré et un pouvoir certain. Edmé est un vieux flic de la crim' en fin de carrière. Déprimé, éteint, il se laisse vivre et couler lentement. Et voilà qu'à deux doigts de la retraite il découvre un charnier dans la marne.

Au premier abord, on pense aux Thanatonautes. L'entrée en matière ancrée dans une réalité un peu marginale qui vire très vite vers un surnaturel flottant sur un fond de science y ressemble. Tout comme le thème du voyage extracorporel et les NDE - near death experiences. Mais très vite l'ensemble prend une autre tournure. Ce n'est plus un roman de science fiction que l'on a entre les mains mais un polar bien ficelé. Un polar doublé d'une jolie histoire d'amour. Et le tout se lit facilement, agréablement, sans difficulté. L'histoire est parfois inattendue, parfois un peu prévisible, mais elle se tient. D'un bout à l'autre elle se tient. Pas de deus ex machina, pas de retournement soudain de la situation. Certains dénouements sont inattendus mais ils ne sont pas parachutés. On sent l'expérience de Bordage. On le sait bien, le génie, c'est 1% d'inspiration pour 99% de transpiration. Ce roman, c'est 99,5% de transpiration pour 0,5% d'inspiration. Pas assez d'originalité pour en faire un chef d'oeuvre, mais du travail et de la maîtrise qui en font somme toute un roman bien sympathique.

Car dès que l'on lève le nez du roman, on se rend compte des faiblesses de celui-ci. Les thèmes abordés sont tous des thèmes dans l'air du temps. Les sociétés secrètes, la conspiration, les serials killers, tout ça a déjà été vu et revu. Et Porteurs d'âmes n'apporte pas vraiment sa pierre à l'édifice de ce coté. Comme la plupart des romans, tout compte fait. Il se contente d’être correct, sans vraie ambition, ce qu’on ne peut pas lui reprocher.

Ce que l’on peut lui reprocher, c’est la facilité ou plutôt la simplicité de certaines choses. On sent que l’auteur a voulu faire passer un message à travers ce livre. Pas un grand message, juste un rappel d’une très bonne idée que l’on peut résumer ainsi : aimez-vous les uns les autres. Ce roman est pétri de bons sentiments et c’est là son point faible. Non pas que ce soit une tare, mais cela donne lieu à des raccourcis un peu grossiers. « Il est jeune, beau, blond et possède tout. Elle est jeune, belle, blonde et elle n’a rien. Leur amour naissant va leur permettre de triompher des épreuves qui les attendent. » On pourrait croire avoir affaire à un vulgaire Harlequin, mais c’est bien d’un roman de Bordage qu’il est question. On regrette la simplicité de certaines choses. Léonie est restée cloîtrée chez sa tante pendant 10 ans. Elle est libérienne (pays anglophone) et les seuls contacts qu’elle a pu avoir avec des français se résument à une pièce sombre et moite et à une éjaculation. On a du mal à croire que cette fille puisse en à peine 6 mois de liberté parler un français impeccable. On a également du mal à croire que les Bulls, qui règnent sur le squat où elle dort, en plus d’être jeunes, beaux, forts, débrouillards, intègres et justes puissent aussi prêcher la réconciliation entre religions catholiques, protestantes, orthodoxes, juives et musulmanes. Le fait qu’ils placent Michael Jordan tout en haut de l’échelle ne les rend pas plus humains. On pourrait continuer de cette manière pendant encore quelques paragraphes, mais ce serait inutile.

D’autant plus que ces aspects très naïfs, voire un peu niais parfois, ne sont gênant que lorsque l’on repose le livre. La lecture est agréable, mais ne laisse pas un souvenir impérissable.