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5/10Le pluriel du désir - Jean-Claude Lavergne

/ Critique - écrit par C.Saffy, le 22/01/2013
Notre verdict : 5/10 - Mélangisme à tous les étages. (Fiche technique)

Tags : jean images claude livres paris romans vie

Commençons par le plus beau : la couverture. Réalisée par le photographe Frédéric Fontenoy, elle laisse augurer du meilleur (et cela bien qu’elle jure considérablement avec le résumé du roman), soutenue par un titre des plus évocateurs, tout en restant sobre et efficace. Un roman pornographique choral et en presque huis-clos où deux couples de voisins vont successivement explorer toutes les facettes du désir et du plaisir partagé, en repoussant toujours plus loin la transgression et la crudité des situations. D’un côté Bernard et Céline, épanouis et sexuellement très actifs, parents de deux enfants adultes – Laure et Xavier qui vivent avec régularité un inceste totalement décomplexé – et de l’autre, Louis et Mathilde qui vont chercher à reconquérir un érotisme débridé dans leur couple et leur vie.

C’est la promesse qui nous est faite quand on entre dans Le pluriel du désir et le moins que l’on puisse dire, c’est que les six protagonistes effectuent un incessant ballet de figures où se confrontent toutes les combinaisons imaginables du genre : inceste donc, mais aussi voyeurisme, exhibitionnisme, fétichisme (le reniflage de culottes souillées et l’ondinisme sont bien présents), initiation à la sodomie et à l’échangisme, fantasmes de prostitution et de gang-bangs… Jean-Claude Lavergne se fait fort de placer tout ce petit monde dans des séquences où le sperme et la cyprine giclent par seaux entiers, où l’on repousse les limites de plus en plus loin comme pour conjurer un quotidien qui grignote en permanence la passion et le désir. Plus on avance dans le texte, plus on se demande s’il ne s’agit là que d’une fuite en avant des personnages, à la recherche d’un autrefois perdu ou d’une volonté de l’auteur de caser un maximum de scènes crues qui justifierait l’accroche sur le catalogue de l’éditeur « Du porno ! Du vrai ! ».

On ne peut reprocher au Pluriel du désir son écriture, dans l’ensemble élégante et soutenue, à la limite du suranné parfois, bien qu’elle engendre au fil des pages une forme de lassitude, surtout en l’absence totale de dialogues. Le problème est que le roman dans l’ensemble manque de structure, de romanesque même, et l’empilement de scènes qui cochent une à une les figures imposées de la pornographie produit parfois l’effet inverse à celui qui est recherché : l’excitation du lecteur. Car même si ce qui apparait en filigrane est justement la quête visant à exorciser l’épuisement du désir,  les personnages principaux du roman de Jean-Claude Lavergne se trouvent parfois réduits à n’être guidés que par leur sexe et uniquement leur sexe. Nous ne savons finalement que très peu de choses sur ces quatre couples (car en plus des quatre adultes, il faut compter le couple que Laure forme avec Bastien, et Xavier avec Clémence, même si la sœur et son compagnon sont d’une redoutable perversité en comparaison du jeune homme qui fait plus souvent figure de jeune puceau tout au long du texte). Sans aller jusqu’à dire qu’il faut obligatoirement des motivations profondes pour baiser de telle ou telle manière, on aurait aimé parfois connaître un peu mieux les leurs.

Et parfois on relève une phrase qui apporte un peu de lumière sur le reste, notamment quand la jeune Laure suite à la réalisation du fantasme de la call-girl prend conscience de ce qui se passe en elle : « Laure se sentait désemparée : effrayée de son comportement et de ses aptitudes à la débauche, elle redoutait d’avoir transgressé un interdit susceptible de mettre en danger son équilibre psychique comme l’harmonie de sa vie sentimentale. Elle savait bien que Bastien l’attendait pour la récupérer […] et lui faire admettre sa totale dépendance à son égard. Mais elle savait aussi , désormais, qu’un autre homme, n’importe quel homme, fut-il vieux et en âge d’être son grand-père pouvait lui apporter autant de plaisir et sans doute parfois davantage que l’homme qu’elle aimait et avait choisi entre tous. Et elle en voulait à son compagnon de cette révélation, de lui avoir fait prendre conscience de ce qu’elle pressentait confusément, d’ignorer lui-même le caractère fragile et précieux du don qu’elle lui avait fait par amour et qu’il voulait partager. » Voilà soudain toute la mélancolie de ce livre dévoilée en un paragraphe. Trois cents pages de cul pour découvrir qu’il s’agit avant tout de personnages en quête d’amour et dévasté à l’idée de le dénaturer. L’autre versant du pluriel du désir en somme.