Le Parfum de la dame en noir
Livres / Critique - écrit par juro, le 10/01/2006 (
La suite du Mystère de la chambre jaune a permit à Gaston Leroux de faire réapparaître ses personnages typiques de l'époque et notamment Rouletabille. Tout le mystère non éclairci du premier livre se développe au travers d'une novelle intrigue remettant en cause le postulat qui semblait acquis à la fin du précédent livre en deux coups de cuiller à pot dans cette suite intitulé Le parfum de la dame en noir. Plein de retournements de situation, rempli de mystères insondables au premier abord mais surtout faisant une large place aux origines du héros limier de premier ordre, ce roman met tout en place pour intéresser le lecteur dans un voyage psychologique plus que policier.
Le mystère de la chambre jaune a été éclairci grâce à Rouletabille, Larsan est mort, Mathilde Stangerson et Robert Darzac vont bientôt s'unir par les liens sacrés du mariage. Si la jeune femme semble encore perturbé, un voyage dans le sud ne pourra lui être profitable. Que nenni ! Contre toute attente, ce diable de Larsan ressort de sa boîte usant de tout charme pervers pour refaire surgir la peur qui l'a vu terrorisé la belle. De nouveau, Rouletabille est appelé à la rescousse et les actes criminels se multiplient. Le mystère prend de l'ampleur. Le fin limier semble tiraillé entre ses origines et son besoin de faire justice...
Gaston Leroux initie une introspection dans le mental de son héros, Joseph Joséphin par l'intermédiaire de son narrateur aux allures ambigus, Sainclair. Celui-ci dévoile par petit bout des informations sur le comportement changeant de l'enquêteur entre pleurs et rires, le visage de celui qui sait mais qui ne veut l'admettre prend une proportion proche de la folie. Tous les personnages possèdent un grain de folie enfouis en eux, synonyme déjà développé dans des oeuvres importantes de l'époque, reflet de la société qui prend conscience de sa profonde maladie. Larsan est un véritable diable improbable qui revient de l'enfer par la plus grande des portes laissant derrière lui des esprits troublés. Catalyseur de toutes les peurs et énervant passe muraille pour ceux qui sont sur ses basques.
Ainsi Le parfum de la dame en noir met en avant un duel Larsan - Rouletabille redoublant d'intensité dans l'attente mais si le mystère grimpe, grimpe sans cesse, atteignant une apogée certaine lorsque le héros replonge dans sa mémoire mais finalement légèrement décevante dans son dénouement. A noter que Gaston Leroux n'hésite pas à s'intégrer lui-même au roman pour un passage assez amusant, le confrontant au jeune Joséphin.
L'auteur décrit l'époque avec brio, créant plus des descriptions globales que des portraits de personnages, excepté celui du héros. Cependant, il se regarde parfois écrire, se lançant dans des descriptions sans fin, bourrés d'éléments perdant le lecteur et cassant le rythme. Assez déstabilisant pour un roman policier. Le langage d'époque nécessite beaucoup d'annotations en bas de page, là aussi reflet d'une époque où les moeurs étaient différents des notres. Plonger dans l'oeuvre de Leroux se révèle être un voyage intéressant pour la culture personnelle car l'auteur, journaliste de formation, dispose de grandes connaissances, riches d'enseignements pour le lecteur d'aujourd'hui.
Flammarion livre un roman avec l'argument marketing du film sorti sur les écrans il y a peu. La couverture, des photos de acteurs et des plans du film repris à l'intérieur même du livre, une interview du réalisateur Bruno Podalydès sont autant de sympathiques suppléments. Cependant, les réels bonus consistent dans un décryptage des principales clés de l'oeuvre et une chronologie de la vie de l'auteur mis en parallèle avec le contexte des principaux grands romans sortis à l'époque. Le dossier explicatif de fin se révèle encore plus intéressant, testant le lecteur, l'intéressant à Gaston Leroux ou l'initiant à l'écriture du scénario du film. L'édition scolaire idéale permettant d'obtenir une mine d'informations non négligeables pour comprendre en détail l'oeuvre.
Le parfum de la dame en noir se révèle être un bon divertissement même si le ton machaivélique de l'époque a perdu de sa flamme, rendant l'oeuvre, non pas obsolète, mais un peu légèrement décrépit par la temps pour son mystère principal. Elle reste un très bon témoignage sur l'époque et un portrait de la folie diablement passionnant.