8/10Un Homme, un vrai

/ Critique - écrit par Kassad, le 20/07/2003
Notre verdict : 8/10 - Un roman, un bon (Fiche technique)

Atlanta. Fin des années 90. Ambiance fin de siècle. Charlie Croker règne sur la ville. Promoteur immobilier, blanc, ultra-richissime, il dirige tout d'une main de fer : sa vie, sa femme, ses affaires. Jamais un regard en arrière, ce serait un signe de faiblesse . Le seul indice nous permettant de savoir qu'il a un coeur est qu'il fut une ancienne star de football, du temps de sa jeunesse. Il faut bien quelque chose pour faire circuler le sang... Mais voilà sa jeunesse est finie. Et subrepticement son monde va s'écrouler petit à petit. De l'autre côté de la vi(ll)e se trouve Fareek Fanon. Véritable légende du football américain. Lui aussi est riche, mais noir, jeune et en pleine ascension. Mais à son tour il voit sa vie se déliter sous ses yeux. Il est accusé de viol par une blanche, fille d'un riche et influent paternel... Atlanta est au bord de l'explosion, les tensions raciales particulièrement fortes dans le sud des USA menacent de tout faire exploser. Comment ces deux personnages pourraient-ils réconcilier les deux parties de la ville ?

Tom Wolfe, encore une fois, nous sert une oeuvre magistrale. Un homme, un vrai n'est pas le roman qu'on croit entrevoir au début de sa lecture. Sous des apparences de roman « social », dénonçant d'ailleurs avec force de nombreux travers de la société américaine, c'est surtout le processus de rédemption et la quête de soi qui forment le fond de cette oeuvre. C'est à peu près vers la fin du premier tiers (à ce propos je précise que le livre comporte plus de 1000 pages donc le premier tiers correspond à la fin d'un roman de taille déjà correcte...) que le roman prend ce virage inattendu. D'une grande saga sur le sud américain avec une description féroce de la « upper society » blanche et ses vanités insupportables on dérive doucement vers un roman presque intimiste et même métaphysique par instant. Cette transition, très bien menée se fait par l'introduction d'un troisième personnage principal qui va connaître l'enfer pour renaître et servir de guide. L'histoire pourrait donc sembler banale : Jésus monte sur sa croix meurt et revient à la droite de son père dans le royaume des cieux pour sauver les hommes. Un peu réchauffé comme truc non ? Et bien sur ce canevas éculé, cette fois-ci traité au travers de la philosophie stoïcienne (oui vous avez bien lu il s'agit même d'Épictète pour être plus précis), T. Wolfe parvient à transmettre une émotion qui touche au plus profond. Pour montrer les forces, mais aussi les limites, de ce roman je dirais que c'est une version plus forte et plus réussie que Le bûcher des vanités du même auteur. Un troisième opus serait de trop, il faut savoir s'arrêter à temps...