8/10Gigante et cocktails

/ Critique - écrit par Lestat, le 06/02/2006
Notre verdict : 8/10 - Je tue il (Fiche technique)

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Gigante et Cocktails

1 Tueuse à gage belle et raffinée
1 Tueur à gage barbare
1 commanditaire au bout du rouleau
1 louche de gore
1 cuiller de sadisme
1 pincée d'absurde
1 zest d'humour noire
2 doses de cinéma
1 panier garni de victimes
Glace pilée
Tabasco

Mélanger au shaker.

Etalez sur 189 pages.
Comme la vengeance, servez frais.


Voila une mixture que n'aurait pas renié Viatcheslav Mikhaïlovitch Skriabine. Ou Tarantino, c'est au choix. Gigante et Cocktails sent la poudre, le sang et la parfum de femme. Pour son premier roman, Bo Ekra aurait pu trouver sujet plus ennuyeux que le quotidien d'une tueuse à gage hantée par son passé. Sans doute plus original aussi, certes, mais si la trame est classique, la manière de procéder ne l'est pas. Gigante et Cocktails, c'est avant tout un style qui frôle le langage parlé, une atmosphère curieuse qui se complait dans la violence et le sadisme avec une légèreté qui ne tombe pourtant jamais dans l'humour noire. Conçu tel un journal, passant d'un protagoniste à l'autre sans quitter sa construction à la première personne, Gigante et Cocktails, comme tout roman s'imposant des contraintes, n'est pas dénué de quelques défauts. Des petites lourdeurs qu'on oublie rapidement face au caractère monstrueusement ludique de l'ensemble. Car oui, Gigante et Cocktails est un plaisir total, complètement addictif et d'une lisibilité excellente. Influencé par le cinéma, ce qui n'empêche pas un inattendu clin d'oeil à Poe, Gigante et Cocktails n'est pas loin de ces polars à la Shane Black, toujours noirs mais avec ce climat étrange où surnage un grain de surréalisme, le goût des phrases implacables et des coups de pétoires qui font mal. Références assumés, dans Gigante et Cocktails, on cite Pulp Fiction et on tue comme dans le Dernier Samaritain. Les schémas les plus simples sont généralement les plus risqués, et Bo Ekra aurait pu se planter lamentablement avec son sujet en or. En grande partie constitué d'une succession de contrats, Gigante et Cocktails n'en est pas moins bien mené et évite l'écueil de la facilité avec brio. Toujours passionnant et ne tournant jamais en rond, le roman, on se prend facilement dans cette ambiance étrange, avide d'une nouvelle manière de tuer son prochain.

Dans Gigante et Cocktails, il y a Gigante, tueuse blonde dangereuse comme l'arsenic. Et des cocktails. Un par chapitre, et pas nécessairement les plus connus, exception faite du bon vieux Bloody Mary. On savait les personnages de séries noirs amateurs de breuvages alcoolisés en tout genre, pourtant ces petites recettes n'ont rien du gadget référentiel. Elles servent le récit, l'annoncent, le résument parfois. Fallen Angel et son épisode tragique. Bee's Kiss et son execution discrète et élégante. Kamikaze ou la présentation d'un nettoyeur expéditif. Le bien nommé Secret. Wonderful Town et...non, ça c'est à lire pour le croire. Il parait que les livres particulièrement bons se dévorent, Gigante et Coktails innove et devient un roman qui se boit. Et boire du Bo Ekra, ça fait plaisir, ça détend, ça ne saoule pas et ça ne donne pas mal au crâne. Les avantages sans les inconvénients, en somme.