9/10Gatsby le Magnifique

/ Critique - écrit par Nhu-lan, le 28/05/2013
Notre verdict : 9/10 - ‘You see I think everything’s terrible anyhow’ (Daisy Buchanan) (Fiche technique)

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Gatsby le Magnifique
Sublime ?

Gatsby, en veux-tu en voilà ! Après la critique du film nous vous invitons à vous plonger (ou à vous replonger) dans le roman de l’écrivain américain Francis Scott Fitzgerald. Alors, on attache sa ceinture et on remonte le temps jusqu’aux Années Folles !

L’auteur

Comme toujours, je pense qu’il est essentiel d’en connaître un peu plus sur l’auteur lui-même pour bien comprendre l’œuvre. Une des citations parmi les plus célèbres de Francis Scott Fitzgerald (FSF) est ‘Drunk at 20, wrecked at 30, dead at 40’ ("Ivre à 20 ans, anéanti à 30, mort à 40"), programme auquel il se tint jusqu’à la fin de sa vie puisqu’il mourut effectivement  à l’âge de quarante ans. Sulfureux et exubérants, FSF et sa femme Zelda Sayre furent les enfants terribles des Années 1920. Alcool en excès, disputes tonitruantes et crises de folie notoires (Zelda passa la fin de sa vie dans un hôpital psychiatrique), rien ne manque à la mise en scène organisée et tragique de leur vie. Leurs frasques firent le bonheur de la presse à scandale tout au long de la décennie. Malgré sa réputation de Golden Boy, Fitzgerald prit tout de même le temps de publier des œuvres à la qualité inégale. À sa sortie, en 1925, Gatsby le Magnifique (The Great Gatsby en anglais) ne fut pas ce que l’on peut appeler un franc succès. Encensé par la critique, le livre ne fut pas aussi populaire auprès du grand public. Pourtant, Gatsby le Magnifique est aujourd’hui une référence en matière de littérature américaine moderne. Ceci est, encore une fois, la preuve que le talent d’un artiste n’est pas toujours reconnu par ses contemporains.

A mon avis, il est pertinent de s’intéresser à l'écrivain car son personnage, Jay Gatsby, partage des traits de personnalité avec son créateur. Tous deux sont partis de rien et c'est leur ambition à toute épreuve qui leur permis de gravir l’échelle sociale ; jusqu’à un certain point en tout cas. De plus, l’écrivain et son personnage de papier ont tous les deux perdus la femme qu’ils aimaient du fait de leur basse extraction. Comme nous le suggère le roman, une telle perte peut marquer une vie au fer rouge. Par conséquent, le passé devient une obsession d’autant plus forte et douloureuse. Une autre caractéristique commune aux deux hommes est leur mort prématurée qui nous laisse avec le sentiment amer que le monde n’est pas fait pour les romantiques ni pour les idéalistes.

Le roman 

Le titre initial que Francis Scott Fitzgerald voulait donner à son roman était Under the Red, White and Blue (Sous le rouge, le blanc et le bleu), en référence aux couleurs du drapeau américain. Ainsi, l’intention première de Fitzgerald semble être de nous raconter l’Amérique de son époque avec ses caractéristiques et, surtout, ses travers. Dans le monde dont Fitzgerald nous ouvre les portes, les femmes (Daisy Buchanan, Myrtle Wilson et Jordan Baker) sont dangereuses et manipulatrices. Elles sont également conscientes du pouvoir de leur sexualité, ce qui est hautement condamnable aux yeux du narrateur Nick Carraway. Ce dernier est un jeune homme de classe aisée originaire du Midwest et fraîchement débarqué à New-York, à West Egg plus précisément. Cousin de Daisy et ami de Gatsby, il se retrouve rapidement au centre de leur histoire d’amour puisqu’il joue à la fois le rôle d’entremetteur et de confident. Nick est un personnage discret qui observe plus qu’il n’agit. Peu à peu, la « haute » société new-yorkaise, les rumeurs et la trahison lui feront perdre son innocence. Le roman alterne entre des moments de grande agitation, comme lors des grandes fêtes dans le jardin de Gatby, et des moments plus intimes et délicats.

Les retrouvailles du héros et de sa bien-aimée, dans le salon de Nick Carraway, est l’un des moments les plus beaux du roman. Le génie de Fitzgerald réside dans le détail qui rend chaque son plus frappant, chaque couleur plus vibrante et chaque émotion plus intense. Le livre de Fitzgerald est touchant. Le romantisme et la douce nostalgie de Gatsby sont comme des talismans qui le protègent contre la brutalité et les injustices du monde extérieur.

 

Gatsby le Magnifique, l’homme qui rêve sa vie

Gatsby est un homme qui se veut fort et qui s’évertue à cacher ses origines modestes. Pour ce faire, il n’hésite pas à donner dans le clinquant et s’entoure d’une multitude d’objets à la pointe de la modernité (voitures, téléphone). L’argent, dont le manque passé lui a fait perdre la femme de sa vie, lui a permis de se transformer en homme puissant. Pourtant, ce subterfuge ne fait pas longtemps illusion. À vouloir trop bien faire, on finit souvent par se perdre soi-même.

Paradoxalement, ce qu’il désire semble s’éloigner à mesure qu’il s’en approche. En effet, cet homme, qui semble avoir assez d’argent pour acheter la ville de New-York toute entière, n’est pourtant qu’un homme. Son rêve est de raviver la vision idyllique qu’il a de son passé mais il est le seul à ne pas se rendre que cela est impossible.  Ainsi, Gatsby court après son passé tel le Roi Arthur en quête du Graal. Très vite, on se rend compte que son désir de récupérer Daisy n’est qu’un prétexte. En effet, l’imagination de Gatsby transforme cette femme  en fantasme, en image cristallisée dans le passé.

Une seule fois dans le roman, le héros semble avoir une vision claire de Daisy puisqu’il lance ‘Her voice is full of money’ ("Sa voix est pleine d’argent"). L’argent est le nerf de la guerre tout au long du livre puisqu’il permet à chacun de cacher ses faiblesses et ses pires défauts (Daisy et Tom sont des êtres destructeurs). La nuit, Gatbsy passe de longues heures à fixer la lumière verte du phare devant  la maison de son amante. Cette lumière a quelque chose de nostalgique : elle si proche et pourtant hors de portée. Ce phare est  un leurre pour les rêveurs et mènera le héros à sa perte. Daisy n’est donc pas ce que désire vraiment Gatsby. Ce qu’il veut, du plus profond de son être, c’est correspondre à une image fantasmée de lui-même.  Mais chacun sait que les fantasmes sont fait pour rester inaccessibles.Gatsby le Magnifique
Une petite adaptation BD ?

Si Gatsby vivait aujourd’hui…

Gatsby version 2013, ça donnerait quoi ? Pour ma part, il serait un trader tapi au fond de son bureau au dernier étage d’un gratte-ciel en verre. Il occuperait ces journées à traiter des dossiers financiers obscurs et à manipuler des chiffres à rallonge. Je l’imagine en train de donner des ordres au téléphone tout en envoyant des SMS expéditifs pour virer ses employés et lançant des coups d’œil incessants à l’écran de ordinateur pour surveiller la côte boursière de l’or. La nuit, je me le représente tout à fait différemment. En effet, le Gatsby nocturne aurait tout du parfait jet-setteur. De là à imaginer notre héros vêtu d’un costume Ralph Lauren rose et sortant de son jet privé jaune poussin (avec son nom gravé en lettres d’or dessus), il n’y a qu’un pas.

Et vous comment imagineriez-vous le Gatsby des temps modernes ?