L'Enfant du Kerala
Livres / Critique - écrit par Lestat, le 23/01/2006 (
Il y a des romans qu'on aime pas trop ne pas aimer. Ils sont pleins de qualités indéniables, mais non rien n'y fait, ça ne passe pas. L'Enfant du Kerala avait pourtant de quoi remporter l'adhésion : un sujet et une thématique pas facile -dans un futur proche, le quotidien d'un jeune bisexuel tourmenté par son passé-, des parti-pris littéraires qui en eux-mêmes impressionnent...Pourtant, au final, c'est mitigé, à un point que c'est embêtant de l'avouer.
Cette gène, pour ne pas dire ce malaise, elle vient avant tout du style atypique adopté par Patrick Lowie, un style excellent mais qui n'est pas le plus abordable à lire. Des phrases courtes. Très, très peu de virgules. Des paragraphes qui prennent soudain des airs de poèmes. L'Enfant du Kerala témoigne d'une richesse et d'une maîtrise de langage indéniable, ainsi que d'une gestion parfaite de cette écriture peu commune. La suggestion est en effet de rigueur, nous faisant deviner entre 2007 et 2011 un avenir peu rose, à base de dictature, d'émeutes, de guerre civile, autant d'évènements qui ne seront jamais décris de front, mais laissés au bon soin de l'imagination du lecteur à grand renfort de phrases sibyllines. Patrick Lowie n'a pas choisi la voie la plus simple pour conter son histoire, partant même, ultime contrainte, dans un récit se découpant soudain en flashbacks. Le problème est là : l'Enfant du Kerala ressemble davantage à un exercice de style qu'à un vrai roman. Livre assez court, L'Enfant du Kerala, par ses choix de rédaction, n'en est pas moins hermétique. Parfois la sauce prend, et l'on s'envole dans ces pages pleines d'une étrange poésie. Parfois non, et le roman ne devient plus qu'une accumulation de phrases joliment tournées mais vaines.
Reste la vie de Medhi, tiraillé entre deux amours qui font désordre. Medhi et ses rêves. Medhi et ses origines perdues. Medhi à la recherche de son passé. Medhi et son passage à l'âge adulte. L'Enfant du Kerala est un roman humain, qui prend son temps entre les repas en forme de rituels, les flirts avoués à demi-mot, les aléas d'un immobilier déglingué...Plus que ce que deviendra notre société dans quelques années, c'est l'histoire de Medhi et Angela, Medhi et Luca, Medhi et Bilal. L'Enfant du Kerala est un roman désenchanté, doux amer, où un couple en entraîne un autre, jusqu'à la solitude, où l'espoir laissera place à la désillusion, le bien-être au mal-être. La fin du livre est le début de l'histoire. Le reste du livre, presque sa fin. Comme précédemment, Patrick Lowie nous fait ressentir avec peu de mots cette notion de cercle vicieux, où il n'y a pas d'échappatoire, qui n'apparaît réellement que le livre refermé.
L'Enfant du Kerala n'est pas un mauvais livre, ni une mauvaise histoire. Son refus des conventions ne lui aura hélas que joué des tours, lui faisant perdre force et parfois intérêt. Rageant.