7/10Les Décisions absurdes

/ Critique - écrit par Kassad, le 23/03/2005
Notre verdict : 7/10 - Pas si absurde que ça (Fiche technique)

On dit que la réalité dépasse la fiction. Souvent ce dicton sert de commentaire quand on ne peut rien dire d'autre tellement la situation nous paraît ridicule ou étonnante. Plutôt que d'en rester à ce sentiment d'incompréhension et d'amusement devant des actes hallucinants d'absurdité, Christian Morel se propose de les étudier dans Les décisions absurdes. Son objectif est de comprendre pourquoi et comment il se peut que des personnes à priori sensées puissent dépenser tant d'énergie pour obtenir exactement le contraire de ce qu'elles recherchent.

Les exemples pris par Christian Morel vous feront tomber les bras, j'en suis sûr. Le plus impressionnant est celui de l'accident de Challenger, la navette spatiale qui a explosé entraînant la mort d'onze astronautes. Le rapport d'enquête est accablant, les ingénieurs ont recommandé à plusieurs reprises de ne pas faire le lancement (à cause de la vague de froid qui avait lieu en Floride). Le responsable du projet des fusées d'appoints (celles qui ont provoqué la catastrophe) a même dit la veille du lancement qu'il "ne voulait pas à avoir à répondre à une commission d'enquête"... D'autres cas sont plus absurdes et à la limite du compréhensible : un avion qui tourne en rond autour d'un aéroport et qui finit par tomber faute d'essence ! Le pilote voulait être sûr que le train était correctement sorti et il a complètement "oublié" un paramètre comme celui du niveau de carburant. Un autre accident montre un pilote coupant le réacteur droit alors que c'est le gauche qui est en feu. Il y a encore cette collision entre deux supertankers dont les routes ne se croisaient pas...

L'auteur se propose de réfléchir suivant plusieurs plans : sociologique, cognitif et téléologique. Sociologique en mettant l'accent sur les dynamiques de groupe qui évacuent le bon sens. Cognitif en relevant l'équivalent de trompe-l'oeil pour la pensée. Téléologique en analysant comment la gestion stratégique, ou plutôt la non-gestion, permet d'oublier quel est l'objectif final de l'action. Celui de l'auteur est, en prenant des exemples extrêmes, d'illustrer les mécanismes fondamentaux menant à l'erreur.

J'ai trouvé cet essai à la fois original et intéressant. Il est rare de s'occuper sérieusement d'aspects négatifs comme l'erreur. Cependant, et ce doit être mon côté scientifique "pur et dur", je n'émettrai qu'un petit bémol : le côté parfois répétitif et un peu creux du discours. Mais bon ceci n'est que le jugement d'un mathématicien pour qui tout mot dans un exposé scientifique doit avoir sa justification.