Contre-enquête sur la mort d'Emma Bovary
Livres / Critique - écrit par Danorah, le 19/09/2007 (Tags : emma bovary livres flaubert doumenc litterature roman
Mettre en doute la parole de Flaubert, il fallait oser ! Philippe Doumenc ne s'en est pas privé, et offre au célèbre roman de Gustave Flaubert une suite des plus inattendues.
Madame Bovary vient de décéder. Le roman de Flaubert touche à sa fin. Quant à celui de Philippe Doumenc, il ne fait que commencer... Et si la thèse du suicide avancée par Flaubert était fausse ? Et si, finalement, Emma Bovary avait été assassinée ? Mettre en doute la parole de Flaubert, il fallait oser ! Philippe Doumenc ne s'en est pas privé, et offre au célèbre roman de Gustave Flaubert une suite des plus inattendues.
Après la mort par empoisonnement de Madame Bovary, on retrouve l'éminent docteur Larivière, qui avait été appelé en renfort au chevet de la jeune femme, dans le bureau du commissaire Delévoye à Rouen. L'objet de sa visite : lui et son confrère le docteur Canivet ont découvert des traces de coups sur le corps de la jeune femme, et celle-ci leur aurait murmuré dans un dernier souffle : « assassinée, pas suicidée »... Voilà le point de départ d'une bien étrange enquête ! Très vite dépêchés sur le terrain, le commissaire Delévoye et Remi, son jeune assistant, se retrouvent confrontés à l'hostilité des habitants de Yonvillle l'Abbaye, qui apprécient assez peu que deux agents des forces de l'ordre viennent troubler leur apparente quiétude. Peu de temps après, Delévoye est inexplicablement rappelé à Rouen, avec pour ordre de délaisser cette enquête. Resté seul à Yonville, Remi continue ses explorations et ira bientôt de découverte en découverte...
Bien sûr, Philippe Doumenc prend quelques libertés par rapport au roman de Flaubert. De fait, là où l'on aurait pu espérer (un peu naïvement, peut-être) que le récit s'appuierait sur les faits établis par Flaubert et exploiterait les non-dits pour en tirer le soupçon, voire la confirmation d'un assassinat, le narrateur prend le parti de contredire ouvertement certaines affirmations de Flaubert, qui selon lui aurait été mal informé !... ce qui, au passage, facilite grandement la tâche de notre auteur. Malgré tout, les deux récits (l'ancien et le nouveau) s'imbriquent relativement bien : l'atmosphère décrite par Flaubert est respectée avec une certaine sensibilité, le caractère des différents personnages également. Ils sont tous là : Homais bien sûr, Rodolphe, Charles Bovary, la mère Lefrançois, le curé Bournisien, et même Hippolyte et sa jambe de bois, Hivert le cocher et Lestiboudois. D'autres personnages font leur apparition. Les fausses pistes se multiplient, les suspects et les (faux) aveux aussi : plus Remi avance dans son enquête, plus l'affaire se trouble. D'ailleurs, le fin mot de l'histoire devrait en laisser plus d'un pantois.
Mais plus que l'enquête en elle-même, un peu trop tirée par les cheveux pour être réellement crédible, c'est le plaisir de retrouver les personnages de Madame Bovary, dans toute l'éclat de leur médiocrité (qui fait aussi tout leur intérêt), qui rend ce roman véritablement attachant. En outre, si le style de Philippe Doumenc peine à trouver ses marques lors des premières pages (ce qui paraît tout à fait compréhensible lorsqu'on s'attaque à la suite d'un roman de Flaubert !) ce côté un peu emprunté s'estompe au fil de la lecture, pour un résultat de plus en plus probant. Philippe Doumenc propose une sorte de relecture alternative de Madame Bovary - non pas du roman, mais du personnage lui-même, et de son caractère.
En bref, si vous avez aimé Madame Bovary, le roman de Flaubert, vous apprécierez sans doute de retrouver, l'espace de quelques centaines de pages, Yonville et ses habitants. L'enquête en tant que telle ne constitue, semble-t-il, qu'un prétexte pour se replonger dans cet univers romanesque. Si vous n'avez pas lu le roman original, vous trouverez dans cette Contre-enquête sur la mort d'Emma Bovary un roman policier sans doute agréable, mais vous passerez à côté de ce qui fait le plus grand intérêt de ce livre : clins d'œil amusants à l'auteur, au récit original, et réinterprétation de celui-ci.