7/10La Colline des chagrins

/ Critique - écrit par Kei, le 30/03/2008
Notre verdict : 7/10 - Noir, c'est noir. (Fiche technique)

C'est un polar, c'est noir, et c'est délectable. 600 pages conduites d'une main de maître par un auteur de polar anglais des plus appréciés, par le public comme par la presse.

Les séries de polar font toujours un peu peur. Voir sur une couverture en guise de sous-titre la mention "Les enquêtes de l'inspecteur Rebus" rappelle douloureusement la littérature de gare et ses enquêteurs buveurs, fumeurs, aux méthodes musclées et expéditives qui volent au secours de la veuve et de l'orphelin en se faisant payer en nature par ladite veuve puisque celle-ci n'a que 30 ans et affiche des formes voluptueuses. Heureusement, Ian Ranking n'est pas Gérard de Villiers, et son héros, même s'il partage la passion de Malko Linge pour la boisson, les cigarettes et les pardessus, n'a que peu à voir avec le maniaque de la gâchette de SAS.

Un meurtre, un enquêteur aigri et sarcastique, des collègues policiers carriéristes, des gros sous et quelques détails glauques. La recette n'a pas beaucoup changé depuis la création du genre. Mais au fil des 630 pages de ce roman (en édition de poche), Ian Ranking démontre que celle-ci est toujours aussi efficace lorsqu'il s'agit de créer une atmosphère dense au service d'une histoire prenante, pour peu bien entendu que l'auteur sache manier une plume efficace. Autant se rassurer sur ce point, monsieur Ranking a déjà reçu des prix pour ses romans (et non pas pour un roman, ce qui à tendance à prouver que ce n'était pas un coup de génie passager), et son inspecteur Rebus en est à sa douzième aventure.

Pas de Bamako, de Las Vegas ou de Los Angeles. L'action prend place dans un endroit moins glauque, plus tranquille et moins sujet aux grand banditisme et à la délinquance que ces lieux où, à en croire la littérature de gare, les armes et la droguent pullulent. Le théâtre des événements se situe à Edimbourg, où une jeune fille d'une vingtaine d'années est portée disparue. Son père étant fondateur et directeur d'une banque, on s'attend à un kidnapping. Mais l'absence de demande de rançon et l'incapacité à reconstruire les derniers mouvement de la jeune fille sont troublants. Une affaire qui commence à faire les choux gras de la presse et qui mobilise toute la police de la ville. Il faut dire qu'entre les amis de la jeune fille, son petit ami un peu particulier et le mystérieux jeu auquel elle participait, il y a de quoi faire. Et que doit-on penser du cercueil miniature contenant une poupée trouvé non loin de là ?

Le pitch est classique, mais le roman illustre parfaitement le dicton selon lequel c'est dans les vieux pots que l'on fait les meilleures soupes. Et contrairement à ce que l'on pourrait attendre, les rebondissements ne sont pas nombreux et l'action n'est pas trépidante. On assiste simplement à l'avancée de l'enquête, longue, laborieuse, et on joue avec les personnages à reconstituer les pièces du puzzle qui s'assemble petit à petit. Pas de deus ex machina, pas de faits cachés que l'on ignore, le lecteur possède les mêmes éléments que les héros et fait lui aussi fonctionner ses méninges pour tenter de comprendre l'énigme qu'il a sous les yeux. Tout comme les personnages de la brigade, il se lasse de certaines pistes, sûr qu'elles ne mèneront nulle part, porte toute son attention sur celle qui progresse, méprise les fouille-merdes de journalistes qui gênent le bon déroulement de l'enquête et avance ses théories. Théories qui sont tour à tour écartées ou confirmées, au fil des éléments nouveaux de l'enquête. Le final est ainsi amené de manière naturelle et logique, sans que le lecteur n'ait pu le deviner, et garde ainsi toute sa saveur.

Coté style, rien d'extraordinaire. Ranking privilégie une écriture efficace tout entière dédiée à l'histoire à un texte plus littéraire. La colline des chagrins est un polar et ne se prend pas pour autre chose. Son seul but est le divertissement du lecteur, et il est très bien atteint. Pas de génie dans ce roman, mais un travail de très grande qualité qui assure quelques heures de plaisir. Ne soyons tout de même pas trop critique : s'il n'y a pas matière à se pâmer de félicité, il est très clair que le niveau est excellent. Tenir en haleine son lectorat pendant plusieurs centaines de pages sans jamais tomber dans le cliché facile n'est pas donné à tout le monde.

A consommer sans retenue.