Cellulaire
Livres / Critique - écrit par Lestat, le 23/04/2007 (Tags : cellulaire cellules cellule imagerie cellulaires telephone membrane
"Depuis que Stephen King a annoncé sa retraite, ses éditeurs ont verdi de peur devant la perspective de perdre une telle poule aux oeufs d'or. Ainsi assuré de la publication de la moindre de ses bafouilles (à quand la liste de course ?), le père King a donc décidé de lâcher la bride et de pondre des romans tout pourris qui se vendront comme des petits pains ". Un scénario catastrophe quelque peu outrancier, mais qui correspond parfaitement à Cellulaire, tant celui-ci s'impose en matérialisation littérale de la fin de carrière alimentaire.
On savait King capable de faire des histoires complexes avec des prétextes limites honteux : Dreamcatcher, passionnant voyage psychique à l'arrivée, ne débutait-il pas sur la diarrhée explosive d'un quidam parasité par un alien-étron ? Aussi, lorsque déboule cette histoire de téléphones qui zombifient les gens, on se dit que l'écrivain trouvera assurément le moyen de transcender ce sujet peu affriolant. Une envie d'y croire renforcée par un début apocalyptique, rappelant une version light du Fléau. Cependant, à mesure que l'histoire avance, il faut se rendre à l'évidence : c'est nul. Par nul, comprenez ennuyeux, sans grands temps forts, redondant et mal fichu. Venant d'un écrivain de cette carrure, ce dernier point est sans doute le plus désolant : entre un style majoritairement sans relief et d'incompréhensibles répétitions (à se demander si quelqu'un a relu le manuscrit...), Cellulaire subit en outre l'incursion plombante des délires oniriques d'un King visiblement pas remis de son voyage vers la Tour Sombre. Si l'ombre de l'auteur plane sur quelques scènes hantées par le fantôme du 11 septembre, Cellulaire laisse une impression amère. Celle de retrouver un King affaibli, bridé, tirant ses dernières cartouches, préoccupé par un hommage vain qu'il n'avait pas besoin de rendre.
Car oui, Cellulaire est un hommage. A la page où certains et certaines dédicacent leurs proses à quelques parents ou amis proches, Stephen King a choisi de dédier son livre à George Romero et Richard Matheson. Les deux n'en demandaient sans doute pas tant, d'autant que pour le coup, on pense davantage à Umberto Lenzi et Lamberto Bava, mais le problème est autre. En oubliant son propre univers, sa propre patte, pour tirer son chapeau à ses mentors, King se vautre dans une sorte de fan-fiction impersonnelle que son style tente tant bien que mal de cannibaliser. Salem, Christine, Shining, Roadmaster, étaient des oeuvres sous influence voire auto-citatrice pour la dernière. Elles n'en étaient pas moins personnelles à leurs niveaux. Plus que de talent, Cellulaire manque finalement d'âme et d'une vision allant au delà de la récitation appliquée.
Rien à sauver ? Si, sûrement. Mais faut avoir envie...