8/10Cabale

/ Critique - écrit par nazonfly, le 14/04/2009
Notre verdict : 8/10 - Sébastien Cabale (Fiche technique)

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Cabale est une descente progressive dans un monde dément où les conventions et les certitudes ne sont plus. Un livre qui sait glacer son lecteur.

Boone est fou. Ca ne fait pas l'ombre d'un doute. Ni pour lui, ni pour le Dr Decker, le psychiatre qui le suit pour soigner ses visions sanglantes. Alors quand Decker lui apprend qu'il est coupable d'une série de meurtres violents, Boone ne peut que se sentir responsable et en partie soulagé, même s'il n'a aucun souvenir de ces tueries sauvages. Il ne lui reste qu'un espoir, qu'un but, un nom qui résonne comme s'il était du fond des âges : Midian, la Cité des Enfants de la Nuit où se retrouvent les créatures oubliées des mythologies, portées par le meurtre et la violence. Mais Boone fait-il partie de ces Enfants de la Nuit ou n'est-il qu'un Innocent aveuglé par ses rêves ? Le Masque tombera-t-il ?

Glaçant et terrifiant

Clive Barker, au même titre que Stephen King, est un des grands maîtres de l'horreur des années 80/90, mais sans doute avec un grain de folie supplémentaire qui l'a tenu éloigné du plus grand public. King aime à jouer avec les peurs adolescentes, mais les récits de Barker sont plus percutants, plus dérangeants. Le frisson de peur que fait naître l'auteur anglais est glacé et glisse le long de l'épine dorsale couvrant la peau d'une délicieuse chair de poule. Dans Cabale, l'apparition du Masque aux yeux de boutons cause toujours cette terreur rampante. Les murmures insistants de ce « vieux Tête de Boutons » appelant au meurtre, ou ses hurlements de dépit quand il est mis au rebut, sont tellement saisissants qu'on se souvient longtemps de lui. Le tueur qui se cache sous le Masque est l'un des éléments les plus marquants du livre. Les scènes qui le mettent en avant sont parmi les plus terrifiantes : le cache-cache meurtrier du restaurant incendié fait retenir au lecteur son souffle. L'autre réussite effrayante de Cabale est bien sûr Midian et l'étrangeté inquiétante de ses habitants. Les ténèbres chtoniennes de la Cité des Enfants de la Nuit, vaste entrelacs de galeries souterraines éclairées par de faibles bougies et peuplées de monstres tous plus extraordinaires les uns que les autres, sont aussi un terreau fertile pour planter la graine de la peur.

Folie et monstruosités

Cette peur prend son origine dans la folie et la démence. Dans Cabale, la folie règne en maître, non pas cette folie grandiloquente et absurde qui finit par en devenir drôle, mais la maladie mentale la plus abjecte, la plus perturbante. Ici la frontière entre le normal et l'anormal est mince : les fous et les sains d'esprit ne se distinguent que par les conventions des hommes. Boone, le malade mental, se révèle finalement l'un des personnages les plus normaux du livre, à quelques détails près. Ici les apparences sont forcément trompeuses : les bons citoyens sont des brutes avides de sang étranger, les bêtes se transforment en petites filles et vice-versa et même les prêtres cachent sous leur soutane des secrets inavouables. Mais ce qui est caché finit toujours par sortir : les innocents à l'apparence monstrueuse sortent la nuit venue et le véritable monstre dévoile son vrai visage en revêtant cet affreux Masque aux yeux de bouton. Au final, il n'y a pas vraiment d'innocence dans l'univers de Barker : tout le monde est coupable, meurtrier et fou. Seule la convention et le degré d'atteinte permettent de distinguer le normal de l'anormal.

Cabale est une descente progressive au pays de la démence, dans un monde où les conventions et les certitudes ne sont plus, un monde dans lequel des créatures mi-humaines, mi-démoniaques peuvent se terrer dans le sous-sol d'un cimetière abandonné et montrer plus d'humanité que le vrai peuple des hommes. Un livre qui sait glacer son lecteur et l'emmener sur des chemins tortueux et peu empruntés.