8/10Biographie d'un inconnu

/ Critique - écrit par knackimax, le 28/01/2008
Notre verdict : 8/10 - D'un inconnu à l'inconnu (Fiche technique)

Tags : humbert fabrice livre thomas inconnu histoire livres

A travers la recherche d'un sujet, l'auteur derrière l'auteur met en place d'excellents personnages qui ecrivent leur destin. Un plaisir.

Fabrice Humbert nous propose depuis début Janvier de récidiver à la lecture d'une de ses oeuvres. Son deuxième roman s'intitule Biographie d'un inconnu. Il y met en verbe un écrivain en essence mais pas en faits, un « nègre » du nom de Thomas d' Entragues dont le gagne-pain est l'écriture de romans autobiographiques de sportifs célèbres. Ce travail, il l'effectue docilement et sans conviction depuis sa chambre remplie de livres où la lenteur de la vie le rend morose, jusqu'à ce jour... ce jour où il rencontre son nouveau commanditaire. Ce dernier, Victor Dantès, un homme riche et puissant, lui confie la tache d'écrire la biographie d'un fils dont il n'a jamais été le père, et qui correspond à ce qui manque à sa vie. C'est ainsi que Thomas, part à la recherche de Paul, bâtard inconnu dont il doit découvrir la vie pour la faire deviner et comprendre au père qui ne l'a pas reconnu. Il découvre alors l'univers d'un jeune homme de 25 ans doué, étrange et insensé parti disparaître à l'autre bout du monde pour adapter au cinéma Voyage au bout de la nuit de Louis Ferdinand Céline. En partant sur ses traces, Thomas découvrira les différents degrés de lecture d'une personnalité en chute libre, au cours d'un long voyage retraçant celui de son sujet à travers les Etats-Unis. Sortant pour la première fois de son terrier, où lui-même se sentait disparaître, il découvrira ce qui lui manquait, ce qui nous manque à tous et donc ce qui fait tout autant défaut à son mécène et son enfant déchu et échoué, un peu de la vie des autres, un peu de liberté et de l'ouverture sur un monde non contemplé.

On trouvera derrière une écriture dense mais ô combien habile une qualité d'introspection accrue qui ne se trouve pas dans la plupart des romans. Cela nous perdrait même parfois entre le personnage, l'auteur, le père, le fils et soi-même. Ce livre semble aborder des thèmes personnels mais peut-être cela s'explique-t-il par le fait que l'on y parle de ces sentiments que nous ressentons tous à un moment ou à un autre, et qu'il fait le lien entre deux personnages que nous sommes tous à chaque instant de nos vies et qui sont cet autre que nous rêvons d'être et celui qui n'ose pas en rêver.

La technique d'écriture est incontestable bien que surjouée par moments. Beaucoup de références sont également utilisées dont certaines nécessitent une culture dont je n'ose avouer manquer, mais qui peut faire défaut au lecteur de passage. Rassurez-vous donc si c'est votre cas car vous n'êtes pas seul. Toutefois, ces exceptions étant bien imagées et décrites dans le texte, cela n'entrave que maigrement le plaisir de la lecture.

La qualité des descriptifs des états psychologiques des protagonistes rend parfois l'atmosphère cérébrale sans déteindre sur le très bon style romanesque dont fait preuve Mr Humbert. Cela nous distancie d'un travail de détective qui pourrait nous ennuyer. C'est ainsi que nous alternons entre se laisser aller dans un voyage au milieu des étoiles de ce monde et celui plus concret de la vie. Nous nous accrochons à un Paul Dantès que nous n'avons jamais rencontré et qui disparaît, pour renaitre sans jamais vraiment exister. Son parcours initiatique détermine son caractère alors que lui-même s'efface à côté de notre héros. Quand à nous, humbles lecteurs, nous commençons à disparaitre ainsi que l'auteur derrière l'auteur. Il ne reste alors que le bonheur de le lire et de s'attacher.

 

Les personnages, passionnent alors sans s'imposer, les passages pluvieux nous donnent envie d'être mouillés et les grands espaces parcourus, le besoin de voyager. Les aventures qui nous sont racontées respirent la vie même lorsque les personnages s'emploient à faire semblant d'en mourir. La disparition dont parle l'auteur devient alors un très long soupir de plaisir.

Voila une réussite qui se laisse facilement dévorer.

« Les grands romans sont comme une vie réussie : tout y résonne avec cohérence »