5.5/10Auprès de moi toujours (Never let me go)

/ Critique - écrit par Kei, le 23/12/2006
Notre verdict : 5.5/10 - Let it be (Fiche technique)

Il existe quelques livres pour lesquels la volonté de l'auteur transpire de chaque page. Leur construction, leur mode de narration, tout contribue à créer de toutes pièces un univers voulu par l'auteur, qui nous transporte. En tant que grand exemple, nous pourrions citer le sublimissime (n'ayons pas peur des mots, même de ceux qui n'existent pas) Picture of Dorian Gray d'Oscar Wilde. Never let me go s'inscrit directement dans la lignée de ce roman, grâce à une articulation de l'histoire parfaitement maîtrisée et contrôlée.

Hailsham n'est pas vraiment un internat comme les autres. Les enfants n'en sortent que lorsqu'ils sont presque majeurs, alors qu'ils y entrent très jeunes, ils sont coupés du monde extérieur, et semblent vivre en autarcie, coupés du monde réel, celui des adultes, dont il ne connaissent que leurs gardiens. On peut faire beaucoup de choses dans cette école pas comme les autres : rire, jouer, s'instruire, faire du sport, faire l'amour, s'épanouir, se cultiver, mais pas fumer, ni se risquer dans les bois, ni aucune activité qui pourrait abîmer les enfants physiquement. Il ne faudrait pas que leurs précieux organes, qui seront un jour prélevés pour un don, soient en mauvais état. A Hailsham, tout le monde le sait, mais personne ne le dit. Tout est toujours énoncé à demi-mots, tout est dit sans l'être jamais vraiment. Mais cela n'empêche pas Kathy, Ruth et Tommy d'y passer une enfance heureuse, ni de devenir des adultes responsables, conscients de leur rôle.

Tout comme les enfants de Hailsham, le lecteur découvre l'univers dans lequel il vient de se plonger petit à petit, sans aucune explication claire. La narration, faite intégralement à la première personne, nous empêche d'en savoir plus que les enfants. Tout comme eux, on patauge dans un marasme de non-dits, mais sans jamais vraiment s'en préoccuper. Kathy raconte son histoire sans ajouter ses commentaires d'adulte, en conservant le regard naïf qu'elle avait à l'époque. Bien entendu, le récit se fait plus critique lorsqu'elle grandit, mais il n'est jamais influencé par ce qu'elle est devenue. Le lecteur est immergé dans l'univers de la jeune fille, et deviens semblable à un étudiant de Hailsham, conscient du futur qui les attend tous, mais ne s'en formalisant pas.

Et c'est là toute la force de ce roman. Le fond de l'histoire est glauque, le dénouement certain, mais à aucun moment on ne s'en soucie. Tout ce qui importe est la vie de ces enfants, condamnés par un monde qui les a créé de toutes pièces et qui les rejette. La révélation finale n'en est que plus poignante, et les faux espoirs plus pathétiques. On ne peut s'empêcher d'éprouver de la pitié pour ces personnages qui se débattent avec un futur qui à été décidé pour eux.

Never let me go n'est pas un roman parlant du clonage. Ce n'est pas un roman qui parle de l'indifférence des hommes pour leurs semblables. Ces deux aspects ne sont qu'un contexte, qu'un prétexte pour toute l'histoire. La critique que l'on peut sentir est bien trop superficielle, bien trop peu fouillée pour que l'on s'y attarde. Ce roman est avant tout l'histoire d'un petit trio de personnage qui vit, pour le bonheur et pour le pire.

Et c'est là que le bât blesse. A force de donner dans le sentimental et le banal, le roman devient totalement inintéressant. Le fond de commerce du livre n'est constitué que d'histoire de collégiens tout ce qu'il y a de plus banales. Si c'est très bien pour la cohérence de l'ensemble et pour entretenir une certaine atmosphère, on a du mal à y trouver un quelconque intérêt, et on s'ennuie ferme devant ces histoires mille fois rebattues. On s'en fiche un peu de savoir qui a embrassé qui, ou bien qui à fait ce joli dessin, ou tout le reste. On s'en fiche ! Le livre est bien écrit, on s'en rend compte en permanence, mais il n'a pas plus d'intérêt que s'il parlait de la reproduction des gastéropodes en apnée dans la mer rouge. On s'ennuie ferme en lisant ce roman, et l'intérêt n'apparaît que dans l'antépénultième chapitre, qui aurait dû être le dernier, ce qui aurait laissé le lecteur sur une bonne impression au lieu de lui infliger 2 chapitres barbants de plus. Avec une idée de base aussi intéressante, on ne peut qu'être déçu devant la banalité du traitement.

Never let me go n'est pas un mauvais roman, loin de là, mais il ne révèle ses bons côtés que lorsque l'on veut en faire une analyse. Pour sa défense, disons que la maîtrise de l'auteur donne envie de lire ses autres romans, en espérant qu'ils seront plus agréables à lire.