Les Annales du Disque-Monde - Tome 3 - La huitième fille
Livres / Critique - écrit par nazonfly, le 18/09/2009 (Le monde tremble sur ses fondations, car voici venir Eskarina, huitième fille d'un huitième fils, et donc mage au féminin (il n'y a normalement pas de magicienne sur le Disque-Monde).
C'est écrit depuis la nuit des temps : sur le Disque-Monde, le huitième fils d'un huitième fils est un mage né. A lui les grands sortilèges, les bancs de l'Université Invisible, l'honneur de fumer la cigarette et les coups bas dans les couloirs pour maintenir sa position ou, au contraire, monter l'échelle hiérarchique.
Et le huitième fils d'un huitième fils sera... une fille !
Quelque part dans les monts du Bélier, dans le petit village de Trou D'ucques, la femme du forgeron est enceinte et va accoucher d'un petit garçon. Et ce sera son huitième fils, comme son mari était le huitième de sa fratrie... A ce stade de l'histoire, il est essentiel de faire une parenthèse sur la sorcellerie et la magie sur le Disque-Monde. La magie des mages s'occupe des mots, tandis que la sorcellerie des sorcières s'occupe des choses vraies de la vie, si l'on peut dire. Bref, la magie c'est comme monter un éléphant, alors que la sorcellerie serait plus comme monter un cheval. L'un et l'autre monde sont aussi incompatibles qu'un chat et un chien : un sage ne peut décemment faire une bonne sorcière et une sorcière ne peut évidemment être un bon mage. Une question de sexe, vous voyez. Sur le Disque-Monde, on ne mélange pas les torchons et les serviettes. A Trou d'Ucques allait donc naître un mage. Forcément vu que c'est un garçon. Pour cette raison, le mage Tambour Billette, à l'orée de sa mort, vient remettre son bourdon magique au futur élu. Le mage parti pour d'autres cieux, ce qui devait arriver arriva. Le fils du forgeron n'est pas un fils, mais une fille qui mettra le souk dans les conventions : Eskarina est indubitablement de sexe féminin, mais de façon toute aussi certaine, elle est un mage. Une fille mage peut-elle faire son trou dans l'univers machiste de la magie ? Devra-t-elle se mettre à la cigarette et porter la barbe pour être acceptée par la communauté ? Autant de questions qui tiennent en haleine le lecteur durant ce troisième tome des Annales du Disque-Monde : La huitième fille.
Une sorcière comme on n'en fait plus, heureusement
Côté personnages, le livre s'appuie sur Eskarina, Simon, un jeune et brillant mage et Mémé Ciredutemps. Si Eskarina manque franchement un peu de personnalité, que Simon est un peu terne, il n'en est pas de même de Mémé Ciredutemps. Mémé Ciredutemps, Esméralda de son petit nom, est la sorcière officielle de Trou D'Ucques avec presque tout l'attirail de la parfaite sorcière. Replète, vêtue de noir, elle couve dans sa cabane solitaire un chaudron dans lequel bout éternellement quelque chose que l'on préfèrerait ne jamais avoir à goûter. A vrai dire, il ne lui manque que le nez crochu et la verrue qui va bien. Elle ne sert que rarement de la magie, empruntant à l'occasion tel ou tel corps animal pour ses besoins personnels. Non l'essentiel de l'occupation de Mémé se partage entre l'élaboration de breuvages pour rendre la virilité aux hommes (ou l'enlever selon les usages) et la recherche des plantes dédiées aux autres potions nécessaires. Ce qui n'empêche pas Mémé d'en connaître largement plus qu'il n'y paraît et d'en déduire encore plus par l'application de la têtologie, une discipline qu'elle maîtrise parfaitement. Avec Eskarina, elles s'en iront, au nez et surtout à la barbe des mages, défier l'Université Invisible, voire plus haut si affinités.
La huitième fille est peut-être un peu moins délirant que les précédents livres des Annales du Disque-Monde et repose presque entièrement sur le personnage de Mémé Ciredutemps. Presque trop sérieux dans le combat de cette fille contre un monde d'hommes, le livre reste quand même dans le dessus du panier des univers de fantasy et, pour qui découvre Pratchett, un bon moyen de se muscler les abdos...