7.5/10L'Affaire Seymour

/ Critique - écrit par Danorah, le 03/08/2007
Notre verdict : 7.5/10 - Big Brother is watching you (Fiche technique)

Très actuel, ce roman de Tim Lott est de ceux que l'on dévore avec autant d'assiduité que de dégoût... Impitoyable et dérangeant.

Ne vous fiez pas à la couverture de ce livre. Ou plus exactement, oubliez la marionnette qui apporte une touche de douceur, et portez votre attention sur les ficelles qui la dirigent. Tout est là, dans ces ficelles, à la fois guides et entraves. Toute la problématique de L'affaire Seymour tient dans ces ficelles. Celles que déploie le docteur Seymour, personnage central du roman, pour surveiller sa famille. Et celles dont se sert l'auteur pour mieux nous embobiner et nous mener par le bout du nez, jusqu'au dénouement. Qui, comme de bien entendu, n'en est pas vraiment un.

Difficile de décrire brièvement L'affaire Seymour, la faute à un procédé narratif plutôt original et assez déroutant pour le lecteur. Tim Lott y relate une enquête effectuée sur un fait divers qui semble avoir défrayé la chronique. Evidemment, il n'y a pas trace de ce fait divers dans notre réalité. Mais Tim Lott ne s'adresse pas à nous. Il s'adresse à des lecteurs qui savent tout du fait divers en question. L'auteur ne prend donc pas la peine d'exposer les faits avant d'entamer son enquête, puisque tout le monde est au courant. Nous voilà donc réduits à glaner les informations en cours de route, à mesure que l'enquête de Tim Lott (ou de son double) l'amène à reconstituer le fil des événements. Heureusement, Tim Lott (le vrai) a fait en sorte d'égrener les informations parcimonieusement, certes, mais intelligemment, de manière à ce que le lecteur (le vrai, celui qui ne sait rien !) se pose des questions, mais en apprenne suffisamment pour ne pas être totalement perdu.

Voilà donc de quoi il s'agit : on apprend assez vite qu'un certain Alex Seymour, médecin de son état, vraisemblablement en pleine crise existentielle, a eu l'idée saugrenue d'installer des caméras dans sa maison afin de pouvoir surveiller sa famille (à son insu, évidemment) et rétablir, pense-t-il, l'ordre et le calme au sein de celle-ci. On apprend également que cette machination ne s'est pas faite sans l'aide d'une certaine Sherry Thomas, directrice du magasin de vidéosurveillance Cyclope, où Alex Seymour s'est procuré les caméras. Entre ces deux personnages se tisse alors une relation ambiguë, qui mènera, à terme, à l'assassinat d'Alex Seymour. Tout l'intérêt du livre réside alors dans la découverte de ce qui a bien pu se passer pour en arriver là.

L'enquête de l'auteur, engagée à la demande de la veuve d'Alex Seymour, qui souhaite réhabiliter la mémoire de son mari, se base principalement sur la retranscription d'entretiens avec celle-ci et avec différents autres protagonistes, mais aussi sur la description des cassettes vidéos enregistrées par Alex Seymour et par Sherry Thomas. La narration est factuelle, sèche, dénuée de toute fioriture. Comme il l'indique au début de son livre, l'auteur cherche à décrire les faits de la manière la plus neutre possible. Le style s'en ressent, et ce n'est pas pour ses qualités purement littéraires que l'on prendra plaisir à lire L'affaire Seymour. A vrai dire, on ne prend pas vraiment plaisir à lire L'affaire Seymour. Bien que captivante et dotée d'un intérêt psychologique certain, l'histoire de ces personnages tourmentés, qui semblent tous avoir quelque chose à cacher, met mal à l'aise. Le thème du viol de l'intimité est bien évidemment au centre du récit, et il est parfois exploité avec une certaine cruauté. Cruauté dont aucun des personnages (à part peut-être Alex Seymour) n'est complètement dénué. Mais ce qui dérange le plus, c'est peut-être cette impression de normalité qui se dégage à première vue de tous les personnages. Les petites névroses dont souffre chacun, les petites disputes en famille, la crise de la quarantaine, tous ces éléments anodins ne laissent absolument pas présager un destin aussi tragique que celui que connaîtra la famille Seymour, et rendent celui-ci encore plus saisissant.

Très actuel et ancré dans l'air du temps, ce roman de Tim Lott est de ceux que l'on subit, inexorablement, jusqu'au bout. Que l'on dévore avec autant d'assiduité que de dégoût, qu'on a envie d'abandonner à chaque page mais qui nous tient en haleine, impitoyablement. Et c'est tant mieux, car ne pas lire ce roman jusqu'à la fin, ce serait passer à côté de la clef de toute l'histoire, d'une mise en abyme vertigineuse et implacable, qui donne tout son sens à L'affaire Seymour... et que vous découvrirez vous-même, si vous vous laissez tenter par ce drôle de roman.