7/10La Véritable histoire de Billy the Kid

/ Critique - écrit par riffhifi, le 14/03/2008
Notre verdict : 7/10 - Pat Garrett, Pat chocolat (Fiche technique)

Bang bang, vous revoilà 130 ans en arrière, et Pat Garrett vous raconte comment il a tué Billy the Kid. Moins un roman qu'un document historique, mais pas exempt de cachet.

Si les bédéphiles ont en tête l'image du Billy the Kid rouquin et colérique de Lucky Luke, les fans de Sam Peckinpah se souviennent plutôt de la confrontation de James Coburn et de Kris Kristofferson dans l'excellent Pat Garrett et Billy the Kid (1973), forcément plus fidèle à la vérité historique. Mais quoi de mieux, pour connaître la vérité, que de se pencher sur les écrits de ceux qui ont vécu les évènements ? Les éditions Anacharsis ont donc exhumé le livre pondu par Pat Garrett lui-même en 1882, soit l'année suivant la mort du Kid.

Pourtant, ce n'est pas tant la véracité historique qui prime dans l'ouvrage de Mister Garrett. La préface de Thierry Beauchamp nous informe d'ailleurs que bon nombre
d'éléments sont largement romancés, et que près de la moitié du livre est probablement due à son ami Ash Upson, plus féru de littérature. Ainsi, la partie consacrée à la jeunesse de William Bonney (le nom généralement attribué au Kid) n'est que pure foutaise puisque son véritable nom était Henry McCarthy. Partant de là, on peut imaginer sans peine la quantité d'inventions que recèlent les écrits de Garrett et Upson ; mais là n'est pas l'intérêt de la chose : le vrai bonheur réside dans l'écriture délicieusement feuilletonesque, dans le style à la fois monstrueusement pataud, abusant souvent des passés simples avec maladresse, et terriblement naïf dans son évocation des faits d'armes de Billy : « Au même moment, on entendit un hurlement de rage et de déception que seul un Apache était capable de pousser, et le plomb se mit à pleuvoir contre le flanc de la montagne [...] » C'est de la littérature de gare, mais elle était lue il y a une centaine d'années dans les gares qu'on peut voir dans les westerns ! Sans dévoiler de quel personnage il s'agit (bien que, vous vous en doutez, la plupart des amis de Billy the Kid avalent leur bulletin de naissance avant la dernière page), on citera également ce passage inestimable : « [...] il vint droit vers moi, agita la main en direction de la maison, et, s'étranglant avec son sang, il dit : « J'aimerais... j'aimerais... j'aimerais... » puis, dans un souffle : « Je meurs ! » ». Ce genre de perles ne s'invente pas !

Sans doute désireux de rehausser la qualité littéraire de leur récit, Garrett et Upson l'émaillent de citations de Walter Scott (le seul auteur qu'ils connaissaient, apparemment), supposées faire écho aux actions de Billy the Kid. La pratique est lourdingue, et son utilisation systématique quasiment risible. On aura également remarqué dans la première citation une certaine condescendance vis-à-vis du peuple Apache : le récit est pétri d'un racisme bien représentatif de son époque,
Billy the Kid prenant soin d'exterminer les Indiens qu'il rencontre dans la première partie du livre, sans pour autant s'attirer d'inimitié particulière de l'opinion publique. D'ailleurs, tout bandit qu'il soit, il apparaît essentiellement comme un mercenaire, et ne semble pas mériter la mort plus qu'un autre. Il semblerait que sa légende soit venue en majeure partie de son charisme et de son jeune âge.

Dans une dernière partie, Pat Garrett s'en prend aux journaux qui critiquent sa volonté de capitaliser sur la notoriété du Kid en sortant un livre. Bien qu'il reconnaisse que sa démarche soit motivée exclusivement par l'appât du gain (« Que diable imaginez-vous que mon objectif puisse être d'autre ? »), il vilipende néanmoins ses détracteurs avec une violence digne de la lettre ouverte aux journalistes écrite par Michaël Youn l'an dernier. Jugez plutôt : « Le malheureux simplet qui a griffonné ce papier s'attardant sur moi et sur mon livre, à en juger par la qualité de sa prose, doit être une marchande de poisson. » Subtilité, subtilité. Heureusement que Krinein n'existait pas à l'époque, parce qu'il est probable qu'on aurait étrillé le bouquin du pistolero. Mais 130 ans plus tard, miracle, la lecture en devient fascinante au deuxième degré. On regrettera tout juste que Anacharsis n'ait pas choisi d'éditer le livre sous une couverture molle et jaunie de roman de quat' sous, histoire de prolonger la sensation d'avoir dans les mains une relique du Far-West...