Et on tuera tous les affreux
Livres / Critique - écrit par Filipe, le 14/11/2003 (Tags : vian tous boris affreux tuera france  
Last but not least. Troisième et dernier roman du sympathique Vernon Sullivan, considéré par beaucoup comme le plus abouti d'entre tous, Et on tuera tous les affreux est à la fois une simulation d'intrigue policière et une réflexion scientifique dénonçant l'uniformisation menaçante des différents modes de vie actuellement en vigueur.
Point de départ de l'enquête. Un séduisant jeune homme qui se retrouve entièrement nu dans une chambre d'hôpital et à qui l'on propose tout bonnement le corps d'une ravissante jeune femme. Pendant ce temps, un autre homme qui perd la vie dans une cabine téléphonique parfaitement ordinaire. De très bonnes photos prises lors d'interventions chirurgicales vraisemblablement illégales. D'interminables courses poursuites pour quelques échanges de bons procédés. Et il faut bien tout ce pataquès pour prendre conscience qu'en fin de compte, on en est bien loin. Du compte. En fin de compte. Le monde des Hommes gagnerait certainement à être soulagé de tous les affreux qui s'y dissimulent. Mais encore faudrait-il une certaine exhaustivité, se débarrasser de tous ces êtres infâmes avant qu'ils ne deviennent à leur tour une espèce rare, insolite, exceptionnelle.
Boris Vian mène cette enquête à travers des personnages qu'il ne finit de confectionner qu'à la fin de son livre. Il fournit une oeuvre positivement confuse. Vaguement policière. Parfaitement farfelue, comme à son habitude, puisque tour à tour angoissante et hilarante. Au-delà des raisonnements d'ordre politique et social viennent se greffer d'excellentes tournures romanesques, tout à fait dignes de leur jeune inventeur. Boris Vian en profite au passage pour parfaire son étonnante manière d'écrire, en mêlant le sérieux à la dérision aussi aisément qu'une fraction de beurre à ses épinards.
Et on tuera tous les affreux illustre à merveille les capacités de son auteur en terme de récit d'aventures et de fantaisie pure et dure. Boris Vian eut le temps d'être à la fois ingénieur, inventeur, musicien, critique de jazz, poète, romancier, auteur dramatique, scénariste, traducteur, chroniqueur, parolier, interprète de ses propres chansons et acteur. Il croyait avoir vaguement incarné un certain Boris Vian le temps d'une existence bien remplie. Après lecture de ses donations, le voilà condamné pour l'éternité en chacun de nous.