9.5/10Trilogie New-Yorkaise

/ Critique - écrit par Kassad, le 23/01/2004
Notre verdict : 9.5/10 - La cité de verre (Fiche technique)

Tags : auster paul trilogie yorkaise litterature livre roman

La trilogie New-yorkaise est sans conteste l'oeuvre majeure de Paul Auster. Il s'agit de trois nouvelles tournant autour des mêmes thèmes qui sous couvert de roman policiers sont en fait de véritables essais métaphysiques sur l'homme et l'identité. New York est un labyrinthe où les héros se perdent à force de se chercher. Ils y sont comme absorbés par leurs quêtes sans fin. D'ailleurs la première histoire, La cité de verre, commence par un homme qui suite à un coup de téléphone erroné décide de prendre l'identité de la personne appelée, et le nom de cette personne recherchée ? Paul Auster bien sûr. Dès le premier paragraphe commence une mise en abyme vertigineuse qui conduira Quinn l'apprenti détective (qui se fait passer pour Paul Auster) au coeur de la folie. La seconde histoire, Revenants, est beaucoup plus théorique et sèche. On pourrait la résumer ainsi : M. Blanc engage M. Bleu, encore un détective privé, pour qu'il observe M. Noir. Mais voilà M. Noir ne fait rien de la journée, il reste assis à son bureau en regardant à travers la fenêtre. Aurait il deviné quelque chose ? Un terrible jeu du chat et de la souris au niveau mental s'engage entre les deux hommes... La troisième histoire, La chambre dérobée, écrite à la première personne et donc beaucoup plus subjective (au moins dans le style) que la première et la deuxième, raconte une amitié fusionnelle. Un ami apprend par hasard la disparition de son ami/héro d'enfance. Il récupère ses écrits et les publie sur la demande de la femme de ce dernier. Ne serait il pas en de train de lui voler sa vie, a moins que ce ne soit lui qui perde la sienne ?

La cité de verre est de loin mon récit préféré des trois. Naviguant entre le roman métaphysique et les descriptions psychologiques d'une extrême finesse il donne le tournis. On ne ressort pas intact de sa lecture : on ressent presque physiquement les errances de Quinn dans New York à la poursuite d'une chimère. L'atmosphère y est semblable à celle d'un film de Lynch. On est constamment déstabilisé et des tonnes de questions et de réflexions ne manqueront pas de vous assaillir. J'avais été impressionné par le roman de Burnside La maison muette et son traitement des questions sur le langage. Je dois dire qu'Auster est de loin plus habile et plus fort : il traite dans cette courte histoire des mêmes sujets, mais comme ça, l'air de rien, parmi tant d'autres au moins aussi complexes et passionnants. Bref, un faible pourcentage de sa "petite" nouvelle recouvre le roman de Burnside. Ouch ! La performance est impressionnante.

Il doit falloir beaucoup plus de temps et de motivation pour rentrer dans Revenants. J'avoue avoir eu du mal à accrocher. Le caractère aseptisé de la narration n'aidant pas. Cette nouvelle demande un effort, elle ne se laisse pas lire comme ça, à la sauvette. Peut être devrais-je lui donner une nouvelle chance. Quant à La chambre dérobée, je n'ai pas non plus été touché (estomaqué est en fait le mot qui convient le mieux) comme ce fut le cas pour la première histoire. Pourtant c'est sûrement celle des trois qui se lit le plus facilement. Pour faire court je dirais que c'est du bon Paul Auster à l'image de Léviathan : une histoire accrocheuse, des psychologies ciselées et une finesse dans l'écriture qui fait apprécier la lecture comme une friandise. Cependant il y a plus dans ce récit. On sent bien qu'il conclut la série, les liens avec les deux précédents récits sont à la fois explicite (le détective Quinn y apparaît) et implicite (ce sempiternel questionnement sur l'identité). Cette trilogie est forte, elle mérite plusieurs lectures. Des lectures sérieuses. C'est promis un jour je m'y remettrais dans le silence et la concentration pour m'aventurer plus loin dans ce dédale.