Renart, toujours bon train il vole les rails
Livres / Critique - écrit par nazonfly, le 28/03/2011 (Tags : train renart fer trains renard roman livres
Le Roman de Renart s'impose comme l'une des oeuvres magistrales du Moyen Âge, un mélange réussi de contes, de fables qui nous permettent un voyage dans une société médiévale vue par des clercs et des lettrés.
Renard. Ce mot évoque pour nous aujourd'hui un petit animal roux, à la queue en panache et reconnu comme très rusé. Pour l'homme du Moyen-Âge, ce canidé s'appelait pourtant goupil (du bas latin vulpiculus). Chose plutôt rare, le langage a substitué un nom séculaire par un autre, venu de la tradition orale : le fameux Roman de Renart. Le 't' se transformera en 'd' au cours des siècles. Le même procédé imposera le mot de Tartuffe, en synonyme d'hypocrite, d'après la pièce de Molière Tartuffe ou l'imposteur.
Renart, sacripan. Sacripouille, coquet coquin
Au contraire de son nom, le Roman de Renart n'est pas un roman au sens
Haro sur le goupilcontemporain, mais un ensemble de textes organisés en branches dont les origines se situent autour des XII et XIIIème siècles, et qui ont pour personnage principal un goupil du nom de Renart. Le personnage de Renart est complexe et dépend fortement des différentes branches présentées. Il est la plupart du temps un habile trompeur, mais il est aussi parfois le dindon de la farce. Parmi ses victimes préférées, il y a bien sûr Ysengrin le loup, ainsi que Tibert le chat. Une rencontre entre Ysengrin et Renart est d'ailleurs restée célèbre : les paysans font un trou dans un lac gelé pour que le bétail puisse y boire en hiver. Renart incite Ysengrin à y tremper la queue pour attraper du poisson, pendant plusieurs heures. Une fois la glace prise, et la queue avec, Ysengrin est rossé par les paysans. De la même façon le tour pendable que Renart tente de jouer à Tiécelin le corbeau nous rappelle la célèbre fable de La Fontaine mettant en jeu un corbeau et un renard, même si ici Renart ne parvient pas à ses fins. Quasiment chaque branche est l'occasion de découvrir une nouvelle tromperie de Renart pour qui le proverbe « Seigneur, protège-moi de mes amis, mes ennemis, je m'en charge » semble avoir été écrit.
Renart, chenapan. Chacripouille, sacré vaurien.
Mais le Roman de Renart est sans doute plus qu'un assemblage d'histoires de tours pendables. Outre Ysengrin, Tibert ou Tiécelin, nous croisons aussi au
Renart et Dame Hersant, sous les yeux d'Ysengrincours du Roman, Dame Hermeline, femme de Renart, Dame Hersant, femme d'Ysengrin, Noble le lion, roi de la Cour, Brichemer le cerf, sénéchal du roi ou Brun l'ours. Chacun de ces personnages a un rôle particulier dans le Roman, comme dans la société du Moyen Âge. Ainsi les femmes, que ce soient Hermeline ou Hersant, sont souvent infidèles, prêtes à tromper leur mari dès que l'occasion s'en fait sentir. Les paysans, eux, sont grossiers, riches et frustres, presque des délits pour les lettrés qui ont écrits le Roman de Renart. En conséquence, les nobles et la Cour s'en sortent un peu mieux. Trompés par Renart, ils semblent lui pardonner beaucoup trop facilement et ce n'est qu'à contre-cœur qu'ils assiègent le château du goupil. On est loin de La Fontaine ! Heureusement, les prêtres, curés et autres religieux se prennent quelques claques derrière la tête : entre les pèlerinages par intérêt et les faux miracles, on ne peut pas dire que la chose religieuse soit à son honneur dans le Roman de Renart. Le Moyen Âge, tel qu'il est présenté ici, est finalement un monde dur et méchant, où les gentils sont loin de toujours gagner à la fin. Car le véritable gagnant de ce Roman est bien sûr le trompeur en personne, ce fameux Renart au nom devenu commun.
Le Roman de Renart s'impose comme l'une des oeuvres magistrales du Moyen Âge, un mélange réussi de contes, de fables qui nous permettent un voyage dans une société médiévale vue par des clercs et des lettrés. Attention toutefois, contrairement à ce que l'on croit volontiers, le Roman de Renart n'est pas à mettre entre toutes les mains, notamment celles des enfants. On a en effet tendance aujourd'hui à considérer la fable animale comme réservée aux plus petits. Pourtant il n'est pas rare de voir Renart jurer de la plus affreuse des façons, voire d'agir d'une manière telle que la morale nous empêche de l'écrire ici. Sachez juste qu'une branche du Roman voit Renart tromper Dame Hersant en l'attirant dans un trou dans lequel elle se coince. Les épaules enserrées dans ce trou et la croupe offerte, elle est dans une situation délicate, situation dont tire partie Renart... Une véritable ignominie !