6.5/10La Poupée qui dévora sa mère

/ Critique - écrit par nazonfly, le 31/10/2009
Notre verdict : 6.5/10 - Miam... miam... scronch (Fiche technique)

La poupée qui dévora sa mère est un classique de l'horreur qui semble pourtant dépassé. Il en reste d'étonnantes descriptions hallucinatoires.

La poupée qui dévora sa mère de Ramsey Campbell. Le titre de ce roman paru en 1976 ne peut que retenir l'attention du lecteur avide de fantastique et d'horreur. L'imagination féconde des amateurs commence déjà à voir des centaines de poupées mutantes en train de dévorer des êtres humains. Pourtant c'est une toute autre histoire qui va se développer au fil du roman, un histoire où finalement l'horreur ne tient que peu de place.

La nuit orangé et brumeuse de Liverpool. Clare ramène chez lui son frère Rob à bord de sa voiture aux freins défectueux répondant au doux nom de Ringo. Un homme s'engage sur la chaussée, Clare tente de freiner, l'accident est inévitable. Rob ne se relèvera pas. Mais plus étrange, son bras a disparu, emporté apparemment par l'étrange piéton. Rapidement Clare rencontre Edmund Hall, un romancier célèbre pour ses livres sur les tueurs en série : ensemble ils seront vite certains que le tueur n'est autre que Christopher Kelly, un enfant étrange qu'avait côtoyé Edmund dans sa jeunesse. Deux autres attaques sauvages vont permettre de compléter la fine équipe avec l'arrivée d'un propriétaire de cinéma, George Pugh dont la mère est morte des suites de sa rencontre avec Christopher Kelly, et le beau Chris Barrow dont le chat a lui aussi été la victime du tueur. Ensemble ils vont se mettre sur les traces de Christopher Kelly, une enquête qui va les changer et surtout qui va les plonger dans l'horreur la plus abjecte.

Chaque pas en direction du tueur est en effet un pas de plus dans un univers étrange, effrayant et surtout dégoûtant. Comme le dit Stephen King, si un auteur ne parvient pas à effrayer son lecteur, il lui reste toujours la solution de le dégoûter. Et dans la scène qui donne le titre au livre, Campbell parvient parfaitement à faire naître ce sentiment nauséeux dans l'esprit du lecteur. Mais c'est un effort constant dans le sens de l'horreur que produit Campbell. La ville de Liverpool semble surgie d'un gigantesque trip hallucinatoire. Extrait :

« Trois tours de vingt-deux étages de haut étaient accroupies en rond comme des sorcières, à l'autre extrémité de la pelouse, au delà des arbres. De la lumière blanche filtrait des fenêtres, diluant chaque bloc gris comme une brume ; les immenses formes menaçantes se dissolvaient luminescentes dans le ciel. »

La prose de Campbell dégage son potentiel le plus oppressif dans la description de la vie du tueur, ou plutôt dans dans la description de ses peurs que l'on suit en parallèle du récit général.

« Il regarda la terre sous ses yeux, et se mit à creuser. Il devait la trouver tout seul, dans la terre humide où grouillaient des vers. Il sentait que la maison obscure, silencieuse, attendait au-dessus de lui, dans son dos, et il creusa plus vite, pris de panique, recrachant des bouchées de terre. »

Ces deux citations montrent parfaitement le sentiment d'oppression distillé dans La poupée qui dévora sa mère, un sentiment qui atteint un climax dans une scène finale, moite et étouffante. Pourtant, malgré un titre des plus réussis et d'évidentes qualités, La poupée qui dévora sa mère peine à effrayer le lecteur, l'idée directrice du livre ne prêtant sans doute pas à la terreur. Cette dernière reste finalement assez discrète, malgré une ambiance vraiment réussie et un soupçon de Rosemary's baby. Au final, l'enquête et la recherche du tueur prennent malheureusement le pas sur la peur. Il n'en reste pas moins que La poupée qui dévora sa mère est un livre qu'il faut avoir lu, même si le lecteur n'a, à l'heure des Saw et autres Hostel, plus la virginité mentale nécessaire pour ressentir ce frisson froid qui fait naître la chair de poule.