Patouffèt'
Livres / Critique - écrit par hiddenplace, le 26/04/2009 (Tags : patouffet jeunesse livres enfants album gay auteur
Patouffêt est minuscule, « pas plus grand qu'un grain de riz ». Pourtant le petit bonhomme se targue d'un caractère bien affirmé et ne se laisse pas marcher sur les pieds.
Qui donc se cache derrière ce petit nom aux allitérations pimpantes et biscornues ? Un garçon, mais pas aussi petit que les enfants de son âge : encore plus petit ! L'histoire de Patouffêt' est issue d'une tradition familiale catalane, que la comédienne et chorégraphe Marta Soler Gorchs a soufflée à la conteuse Praline Gay-Para. Elles ont alors tressé ensemble leurs talents narratifs pour nous en livrer la présente version.
Patouffêt est minuscule, « pas plus grand qu'un grain de riz ». Pourtant, personne dans la famille ne semble souffrir de cette situation pour la moins originale. Le petit bonhomme se targue même d'un caractère bien affirmé (peut-être même un peu trop), et ne se laisse pas marcher sur les pieds - qu'il a si petits qu'il serait bien cavalier de se risquer à un tel délit. Ainsi lorsqu'en cuisinant un de ses repas, la Maman de Patouffêt' découvre avec horreur que le safran vient à manquer, le fiston riquiqui se propose d'y remédier et de partir en acheter. « Tu es trop petit » est la réponse tant redoutée, et trop souvent répétée. Mais pour leur prouver à tous qu'il est de taille, le garçonnet se lance dans la quête de la fameuse épice. Il s'embarque alors dans des aventures qui se révèlent bien périlleuses au cœur d'un véritable monde de « géants ». Aventures qui se solderont, dans une délicieuse désinvolture, par un événement quelque peu scatologique... mais salvateur.
Illustration de Vanessa Hié
extraite de Patouffêt', texte de Praline Gay-Para
et Marta Soler Gorchs - Didier jeunesse, Paris 2009
Sur la trame d'un conte traditionnel simple, dont la chute irrévérencieuse et « parfumée » cible essentiellement le très jeune public, Patouffêt attendrit par le côté attachant, impertinent de son petit protagoniste. La sympathie que provoque en nous le portrait de ce petit bout d'homme capricieux, maladroit et pourtant très courageux, est proportionnelle à la petitesse de sa silhouette. Cette détermination aveugle et presque inconsciente, étonnante pour un lilliputien, rappelle d'ailleurs sans conteste le personnage éponyme du conte de Grimm, Tom Pouce, ou dans un autre genre, le minuscule héros de Michel Ocelot, Kirikou. Grâce à des mots simples, et une structure plutôt linéaire et rythmée, Marta Soler Gorchs et Praline Gay-Para ménagent un suspense non dénué d'humour, et à l'échelle des jeunes lecteurs. Elles jouent, dans la narration, sur la répétition ou la similitude des situations, et les inscrivent dans cet esprit grâce à la petite rengaine de Patouffêt, qui ponctue son épopée minuscule.
Par son illustration toute en peinture traditionnelle, en grattages, en superpositions de couches et de collages, Vanessa Hié rend le tableau sensible et chaleureux. Elle mise particulièrement sur les expressions de visage de ses personnages, qu'elle dessine très fins et avec justesse dans les traits (tantôt rieurs, tantôt renfrognés). Les grimaces et minauderies de Patouffêt' sont à ce titre rendues de manière irrésistible. Elle patine les décors d'ambiances colorées aux tons chauds et naturels : quelques touches de sépia et de bordeaux pour les tissus ou le bois, qui donnent la réplique au vert et à l'oranger du potager... Faisant écho au dynamisme du récit, toutes ces illustrations sont éparpillées dans des compositions variées, jouant sur une mise en page qui fait danser et s'entrelacer le texte et l'image. Afin de faciliter la compréhension des évènements (l'identification des personnages reste une difficulté majeure pour les très jeunes lecteurs) les répliques de Patouffêt' ainsi que celles de ses parents sont saisies en rouge et en bleu. Les mises en scène très mordantes de Vanessa Hié répondent avec allégresse à l'humour et à la bonne humeur du texte de Praline Gay-Para et de Marta Soler Gorchs. Chaque personnage prend vie, du marchand d'épices aux simples badauds. On se glisse dans les sabots tantôt du petit protagoniste, tantôt des personnages secondaires, grâce à une savante alternance de points de vue que nous fait partager l'illustratrice : d'abord celui des Autres, cherchant à qui mieux mieux d'où provient cette chanson entêtante ; puis celui de Patouffêt' qui évolue tranquillement dans son environnement, comme inconscient des potentiels dangers qui l'entourent.
Enfin, tout ce chemin narratif et ce cadre minutieusement étoffé convergent vers la fameuse chute, celle qui, aux yeux de nos propres lilliputiens adorés, fera certainement tout l'intérêt, voire le succès de cette lecture. Irréaliste, impertinente, rigolote voire grotesque, elle fera à la fois office de piment et de friandise pour les petits esprits goulus qui raffolent déjà des références comme De la petite taupe qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête. Une histoire fantaisiste et sans prétention... mais qui brille par sa malicieuse décontraction.