7/10Misères du désir

/ Critique - écrit par Kassad, le 03/08/2004
Notre verdict : 7/10 - Délires de misère (Fiche technique)

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Alain Soral est le plus incorrect de tous les essayistes contemporains. Attention, il ne s'agit pas d'un agitateur chronique qui capitalise sur le besoin de révolte millimétré et qui finit par passer le samedi soir chez Ardisson. Spéciale dédicace à tous les "fuck the system" de commande, aux Virginie Despentes, aux Michel Houellebecq ou autres Avril Lavigne. Bref à tous ces bourgeois rebelles-du-dimanche qui ne choquent que ceux qui veulent bien l'être. Ce n'est pas à un révolté professionnel mais à un véritable cynique que vous avez à faire. Je suis sûr que son dernier essai, Misères du désir, finira par dans l'ordre vous faire rire, vous mettre mal à l'aise et finalement vous énerver pour de bon contre son auteur. Un vrai cynique je vous dis, le comparer à Diogène serait peut-être lui faire un honneur qu'il ne mérite pas, mais en tout cas le ton est là.

La plus grande ruse du sexe est de faire croire qu'il est contestataire alors que par essence il n'y a rien de plus courant. Il n'y a rien de moins révolutionnaire que Baise moi. Le cul mène le monde depuis que l'homme est homme et si vous voulez mon avis ce n'est pas près de changer. Misère du désir se propose donc de "déconstruire" ce mythe moderne que la révolution contre le système passe par le sexe. Comme le dit si brillamment l'auteur : "on va tout droit vers l'essai paradoxal pour cadres formatés 192 pages à la Pascal Brukner, genre La tentation de l'inocence, l'équivalent de la littérature de confort pour madame". Comme vous pouvez le voir ça n'attend pas pour déménager sévère. Cela s'accélère même au fur et à mesure des pages. Le ton, d'irrespectueux, passe à énervant voire insultant. Alors provoc ou pas provoc ? Vrai réactionaire ou agitateur non conformiste ? Soral, et ce n'est pas la moindre de ses qualités, est insaisissable et c'est cela qui le rend possible à lire. Le lecteur en est toujours à se demander s'il s'agit de lard ou de cochon.

Soral tire tous azimuts : des marches des "ni putes ni soumises" aux homos du marais en passant par le dragouilleur branché jet-setteur, tout le monde en prend pour son grade. Mais la simple posture de misanthrope ne suffit pas à faire un essai, aussi sarcastique puisse-t-il être. Cet essai, même en s'en défendant, est bien construit. Il passe en revue différentes approches de la sexualité et les déconstruit : du monde culturo-branchouille il passe au sexe dans les banlieues puis avec désavantages d'être une femme et ensuite des avantages d'être une femme il traite le sujet du point de vue opposé des deux sexes pour terminer sur les gays (chapitre humoristiquement intitulé : Les Gay, une solution ? Chapitre où je me pose la question avant d'y répondre par la négative).

Comme je l'ai déjà mentioné le ton est cruel et l'ironie mordante. Peut être est-ce l'humour qui vous permettra de continuer la lecture, mais je voudrais attirer l'attention sur le fait que sous cette dureté apparente se cache une sensibilité à fleur de peau. La fin notamment du cinquième chapitre le montre bien. Alain Soral est un faux méchant qui aime bien se faire détester. Ne le contrarions pas !