8/10Le Marchand de pets parfumés et autres contes inconvenants

/ Critique - écrit par Kei, le 24/07/2007
Notre verdict : 8/10 - Grandiose (Fiche technique)

Petit par la taille mais grand par l'esprit. Yveline Méhat détourne dans ce livre les codes du conte pour notre plus grand bonheur. Indispensable pour les adultes comme pour les enfants

A défaut d'annoncer l'odeur, le titre annonce la couleur. Le Marchand de pets parfumés et autres contes inconvenants est un recueil de contes. Des petites histoires d'une dizaine de pages pour les plus longues, dotées d'un début, d'un fin, et d'un développement impliquant bien souvent tout ce qui fait le succès d'une blague scatologique chez les enfants. Des contes inhabituels, à des lieux des très traditionnels contes de Perrault, et à des années de leurs versions souvent édulcorées made in Disney. Le genre de contes racontés par l'oncle grivois aux enfants. Aux parents Cendrillon, Blanche neige et la petite fille aux allumettes, à l'oncle complice Chie de l'or, le bousier, et la fille qui ne mangeait pas. Tous ces contes sont autant de digressions à une tradition qui se renouvelle trop peu. La petite histoire avant d'aller dormir, celle qui prend peu de temps à raconter, mais qui fait vivre dans la tête de l'enfant qui va se coucher des aventures qu'il n'aurait jamais imaginées.

N'allez pourtant pas imaginer un seul instant que ce petit livre, qui se dévore sans pause en à peine deux heures, est à destination des enfants. Si vous pensiez avoir là un recueil de texte que vous pourrez lire à une de nos chères têtes blondes tous les soirs, vous vous trompez. Yveline Méhat n'écrit pas pour les enfants. Elle écrit pour des adultes des contes pour enfants. Le style est parfois hautain, emprunté aux fables, très familier, lyrique ou encore presque oral. Le plaisir de lecture en est décuplé. On joue sur les registres de langages comme sur les thèmes abordés. On se permet de sauter des pans entier de descriptions tout simplement parce qu'ils sont trop banals pour valoir les lignes qu'ils occuperaient. Cette simple phrase, qui intervient à la suite d'un paragraphe expliquant les raisons des humeurs d'un roi résume ce fait mieux qu'un long discours: "Il avait une fille sinon. Et un grand chambellan. Bon." Par des petites phrases anodines comme celle-ci, l'auteur fait référence à la culture du lecteur, aux contes qu'il a entendu maintes et maintes fois en étant petit, et lui épargne donc quelques paragraphes fastidieux sans grand intérêt.

On prend un malin plaisir à voir comment les codes traditionnels du conte sont ici détournés pour les faire jouer dans un registre plus familier, plus grivois, plus paysan. Moins noble en quelque sorte, mais tellement plus jouissif. Et si le plaisir est grand pour le lecteur, on peut imaginer sans peine qu'il sera grand aussi pour les enfants à qui l'on racontera ces petites histoires. Avec des mots simples, sans les tournures de phrases alambiquées, mais en accompagnant la parole d'un geste, d'une mimique, d'un petit jeu d'acteur. Juste ce qu'il faut pour amuser des enfants. Nul besoin d'être un grand conteur pour cela. L'originalité des histoires fait le travail.

Le marchand de pets parfumés et autres contes inconvenant est une petite perle, que l'on se doit d'avoir lu. Une preuve vibrante que le genre n'est pas mort, loin de là. Seule ombre au tableau : l'impression de la couverture, pas centrée, floue, qui donne au volume un coté cheap que l'on regrette. Une paille quand on le compare au contenu, mais un point important pour celui qui aime l'objet.