5.5/10La Maison des damnés

/ Critique - écrit par Otis, le 13/04/2006
Notre verdict : 5.5/10 - Bienvenue chez les Belasco ! (Fiche technique)

L'histoire :

Afin de trouver un sens à son futur sort, un milliardaire mourant envoie le docteur Barrett, deux spirites dans une demeure réputée hantée : La maison Belasco où se déroula les pires tortures sexuelles dignes de Salo ou les 120 journées de Sodome... Le passé revient de plus en plus déjouer les activités de nos protagonistes, et c'est un véritable combat entre la science et l'au-delà qui peut commencer...

La critique :

Et dire que La maison des damnés est considéré comme le plus mauvais livre de Matheson !
Or, il s'agit là d'un livre parfaitement bien orchestré.
Au fil de ces 350 pages qui se tournent sans difficulté, le lecteur a envie de connaître la fin de cette histoire qui, somme toute banale, reprend le thème de la maison hantée, se rapprochant ici des ambiances gothiques de la fin du XIXe siècle comme le Dracula de Stoker pour ne reprendre qu'un grand exemple. Le lecteur habitué aux intrigues contemporaines aura peut-être besoin d'un certain moment d'adaptation pour se replonger dans ces décors, et ce, même si l'action se passe en 1971. Thème classique de la maison hantée certes, mais toujours aussi efficace, en témoigne le style de Matheson, dépourvu d'ornements. La maison des damnés s'impose pourtant, malgré ses faiblesses, dans le genre avec son histoire restant au-dessus du lot en ce qui concerne les maisons hantées (les plus connues étant celles de Shining de King ou de Hantise : la maison hantée de Shirley Jackson). D'ailleurs, cette maison Belasco ressemble dangereusement à celle de Jackson...

On découvre le passé fou de "l'hôte" Belasco, générateur de faits horribles mais originaux comme nous le décrit si brillamment Matheson avec une plume toujours aussi habile et sans fioritures. Cependant, il aurait été judicieux pour Matheson de développer encore un peu plus précisément le passé de la maison, même si l'on sait que l'horreur n'est pas le genre préféré chez l'auteur qui privilégie l'angoisse avec une forme plus travaillée, plus subtile. Pour vous le dire clairement, de la part de ce monument de la littérature fantastique, reconnu pour ses classiques intemporels tels que Je suis une légende, L'homme qui rétrécit (la liste est longue...) on s'attendait à un bousculement, surtout en face d'un thème archi-classique dans le domaine du fantastique. Cela reste malgré tout, et il faut le reconnaître, une oeuvre facilement lisible et nous rentrons assez rapidement dans l'esprit de chaque personnage. D'un côté, un scientifique qui ne croit en aucune forme de surnaturel, d'un autre, deux médiums (une femme religieuse mais aux désirs refoulés et un homme, seul survivant de l'ancienne séance passée dans la maison, une trace psychique qui ne veut pas s'effacer...) convaincus, grâce à leur sens ultra-développé, de la force maléfique de cette maison aux fenêtres bétonnées.

Bref, c'est une lutte sans merci entre la science et ce qui se cache juste derrière, histoire de dire qu'elle a longtemps cherché des significations à l'inexplicable pour rien. Toutefois, la psychologie des personnages semble, elle aussi, laissée de côté ; leur passé n'est que simplement dévoilé, mais on sent bien que Matheson ne désire pas approfondir là-dessus, priviligiant l'action présente, sans amener quelques rétrospectives qui auraient pu s'avérer utiles. Dommage donc, pour la notion psychologique, il faudra lire un Shining qui attirera votre intérêt.
L'évolution de l'histoire est l'un des points forts du roman car chaque chapitre est marqué par l'heure qui défile au fur et à mesure que les scènes angoissantes défilent.
Matheson démontre quand même qu'il est un maître du suspense. Attention ! Je tiens à le rappeler : ce roman n'est pas un roman d'horreur, plutôt un roman d'angoisse. Certes, des scènes morbides peuvent être parsemées çà et là mais en général la volonté chère à Matheson, qui est de créer une atmosphère d'épouvante, demeure jusqu'à la fin particulièrement déroutante. Une fin qui offre une leçon de savoir-faire, orchestrée tambour battant. Finalement, malgré quelques clichés typiques repris du genre, le style et l'imagination de Matheson s'en sortent. Il ne s'agit pas du meilleur Matheson, mais l'histoire, même inégale, est toujours aussi agréable à lire. Car n'oubliez pas, cet auteur-là fait partie des plus grands... A noter pour les petits curieux qu'un film La maison des damnés, fidèle au roman, a vu le jour, scénarisé par Matheson en personne.