8.5/10Journal intime

/ Critique - écrit par Kassad, le 27/05/2004
Notre verdict : 8.5/10 - Une peinture signée de main de maître (Fiche technique)

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Le mari de Misty Wilmot, Peter, ressemble plus à une plante qu'à un être humain. Un suicide raté ne l'a pas mené au paradis mais sur un lit d'hôpital en coma dépassé. Alors Misty fait comme ces femmes de marins qui tiennent un journal qu'elles échangent avec leur mari une fois ceux-là revenus. Une manière comme une autre de rester ensemble malgré la distance. Misty si amoureuse de son mari qu'elle en a laissé tomber son rêve de carrière artistique. Elle était une étudiante en art brillante, maintenant elle nettoie les chiottes d'un hôtel sur une île paumée. Un repère pour milliardaires en quête de tranquillité. Misty si amoureuse de son mari alors qu'il en tient une sacré couche. Avant de tenter de se suicider son passe temps favori était de subtiliser des pièces dans les maisons qu'il retapait pour ces riches envahissants qui ne viennent qu'à la belle saison. Peter fermait ces pièces en condamnant les portes, et couvrait les murs d'une écriture psychotique, promettant milles malheurs aux habitants. Misty qui retrouve l'inspiration et se met à peindre compulsivement sous la bonne garde de sa belle-mère et de son docteur. Et puis les maisons trafiquées par Peter qui se mettent à brûler les unes après les autres. Quels sont les liens mystérieux entre tous ces événements ?

Comme Berceuse le laissait penser, Chuck Palahniuk continue sa mutation. Son style flamboyant et truculent, je pense par exemple à Fight Club ou Choke, devient plus posé. Ses histoires sont moins bouillonnantes de vies et de rebondissements. Cependant il gagne en maturité ce qu'il perd en force de percussion. Les thèmes abordés sont plus profonds et finalement vous travaillent plus au corps que dans ses précédents ouvrages. Diary s'insinue lentement en vous et libère son poison lentement, et à l'instar de ces pièces manquantes, subtilisées par Peter, et couvertes d'anathèmes vous tombez sur des pièges bien dissimulés longtemps après que votre lecture est terminée. C'est le double effet Palahniuk. Comme qui dirait un retour d'acide littéraire...

La comparaison qui vient le plus rapidement est celle de Misery de King. De manière superficielle le thème est le même : un artiste plus ou moins gardé en otage que l'on force à produire. Mais très rapidement, et sauf le respect que je dois a M. King, il est clair que les deux auteurs ne jouent pas dans la même division. Car en plus d'un roman mêlant fantastique et horreur, Palahniuk garde cet oeil d'un cynisme et d'une incroyable acuité sur le non-sens de notre société. Je ne parle même pas de la construction du récit aux côtés de laquelle celle de Misery est bien simplette.

Comme un peintre Palaniuk ajoute une nouvelle touche à son oeuvre : cette histoire a un aspect poignant et émouvant que n'avaient pas ses précédents écrits (on en voyait cependant les prémisses dans Monstres Invisibles) mais elle conserve cet humour noir si particulier qui le distingue. Je dois sûrement donner l'impression de quelqu'un qui n'arrête pas de rabacher mais je continue à soutenir que Palahniuk est un des talents littéraires contemporains parmi les plus impressionnants.