9/10L'Île au trésor

/ Critique - écrit par Lestat, le 29/06/2004
Notre verdict : 9/10 - A l'abordage ! (Fiche technique)

Ils étaient quinze matelots sur le coffre du mort
Yohoho ! Et une bouteille de rhum !

Hardi moussaillon ! Pose-toi là et prend un verre. Le vieux Stevenson va te raconter une histoire. Une histoire de piraterie, d'île perdue, de trésor enfoui et de fiers vaisseaux naviguant sur les mers impitoyables. Ce récit devenu immortel, c'est l'Île au Tresor qui transmit le virus de la lecture à des générations entières de gamins. J'en fais partie. Le relire avec des yeux plus âgés fait ressortir tout l'aspect improbable et simpliste de cette histoire folle, mais qu'importe, la nostalgie et l'aventure reprend invariablement le dessus. Non, même datant de la fin du XIXème siècle, ce morceau incontournable de la littérature n'a pas pris une ride et Stevenson est toujours l'un des rares auteurs à savoir captiver son lectorat plus d'un siècle après sa mort. Embarquons-nous, maintenant, gibier de potence !

Tout commence par un jeu. Stevenson-fils s'ennuie ferme. Robert Louis, son père, entreprend de dessiner une carte au trésor pour le distraire. Comme souvent dans le littéraire, cette petite scène de la vie quotidienne se muera en cette extraordinaire histoire de flibusterie où un jeune mousse se retrouve embarqué dans une aventure qui bientôt le dépasse. Et c'est parti pour des pages qui sentent bon les embruns. Car toute la force de l'Île au Trésor est de respecter voire créer toute l'imagerie reliée implicitement ou non aux univers des frères de la côte. Porté par l'auteur, on se retrouve dans une petite taverne, hanté par un vieux marin colportant la gnole contre quelques mystérieux récits. Emerveillé, nous voila esquivant quelques fripouilles embrumées au rhum, croisant perroquet bavard et un inquiétant pirate à la jambe de bois, le célèbre Long John Silver, devenu l'archétype du bandit des mers. Là bas, un coffre n'attend que l'explorateur intrépide, veillé par les os blanchis d'un navigateur d'infortune. L'Île au Trésor fascine et ce bouquin devenu pour gosses ne perd rien de son pouvoir. Il se dévore.

Oui on pourra dire que le style de Stevenson n'a jamais cassé des briques, que l'Île au Trésor, malgré son influence, n'est finalement pas un grand livre. Certes, c'est d'ailleurs pour cette raison qu'il s'est trouvé sélectionné pour notre thématique "livres de plage", sa vocation est plus divertissante que littéraire. Reste que le roman inspira des auteurs, inspira énormément le cinéma et l'inspire toujours. Que serait le film de piraterie aujourd'hui, sans l'Île au Trésor ? Sans parler, et c'est le plus important, du plaisir monstre et un peu gamin que l'on prend à lire cette histoire. Stevenson a su passer le siècle sans faiblir, avec un roman suffisamment à cheval entre deux âges pour satisfaire petits et grands. Son style, simple et efficace, n'a pas faibli, contrairement à l'Etrange cas du Dr Jekyll et Mr Hyde qui, lui, se parcourt plus difficilement. L'auteur sait toujours prendre un public que pourtant il ne connaîtra jamais, et lui fournir ce qu'il aime, ce qu'il veut.

Livre de chevet, mais livre culte. Il a quelques défauts, c'est indéniable et ce n'est pas pour rien que l'on étudie davantage Rousseau ou Proust que Stevenson. Reste que nous avons tous un jour trouvé ou posé l'Île au Trésor sous un sapin, et ça non plus, ce n'est pas pour rien...


Mon pire cauchemar est encore d'entendre des lames se jeter sur les brisants, et il m'arrive de me réveiller en sursaut à la voix perçante du perroquet me criant aux oreilles "Pièces de huit ! Pièces de huit !"