5.5/10L'Ignorance

/ Critique - écrit par Kassad, le 14/08/2003
Notre verdict : 5.5/10 - Minimum syndical (Fiche technique)

Le plus français des écrivains tchèques, Milan Kundera, nous livre encore un de ces romans dont il a le secret, mélangeant subtilement réflexions philosophiques et intrigue romanesque. Seulement il semblerait que cette fois-ci la recette ne soit plus aussi au point que d'habitude. La trame romanesque est réduite à sa plus simple expression. En quelques phrases : L'ignorance retrace le parcours de deux Tchèques, Irina et Josef, qui retournent au pays après la chute du mur. Ils se rencontrent dans l'aéoroport de Roissy une vingtaine d'années après avoir fui le communisme, l'un au Danemark et l'autre en France. Le roman explore les difficultés rencontrées par les exilés qui ne se sentent chez eux nulle part. Dans leurs pays d'accueil, vu que leur exil n'a plus de raisons d'être, ils se rendent compte qu'ils n'étaient perçus qu'à travers le prisme romantique du résistant qui doit fuir une répression politique féroce. Maintenant que leurs amis ne les perçoivent plus comme tels c'est comme si l'Histoire leur ôtait une seconde fois leur identité. La première fois en les forçant à l'exil et la seconde en détruisant leur image sociale.

La souffrance personnelle de Kundera, qui a dû s'exiler de Tchécoslovaquie en 1968, transpire à travers chaque page de ce livre. En traçant un parallèle avec l'Odyssée et le retour d'Ulysse en Ithaque il analyse pourquoi ce grand retour est aujourd'hui impossible.

Si le début est assez réussi, je pense notamment aux passages sur la nostalgie et la mémoire, le reste du roman laisse un peu sur sa faim. Kundera s'arrête au détour de toutes les phrases pour nous assaisonner de son mal de vivre et des tragédies entraînées par l'émigration, cela au détriment de l'intrigue qui ne devient plus qu'un alibi sans intérêt. En lisant ce livre j'ai eu l'impression de me trouver face à un Kundera ne possédant plus que la peau sur les os, un Kundera amaigri et mal en point. Il s'agit bien de la même personne que celle qui a écrit les chefs-d'oeuvre incomparables que sont L'insoutenable légèreté de l'être, La valse aux adieux ou encore L'immortalité , elle paraît ici cependant à bout de souffle. Il ne lui reste plus que la force de nous murmurer en radotant des vérités éternelles sur les difficultés d'une vie qui a été le jouet de l'Histoire. Une déception à la hauteur des enchantements que m'ont procuré ses anciennes oeuvres.