7/10Fier d'être français

/ Critique - écrit par Otis, le 16/04/2006
Notre verdict : 7/10 - Le cri d'un Gallus (Fiche technique)

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A l'heure de la repentance exacerbée vécue comme une auto-flagellation frisant le masochisme doctrinal, Max Gallo clarifie des thèmes qui fâchent et qui attisent, des sujets qui brûlent les passions dans une France éclatée par ses différentes racines plus que discutées, fustigées même, et dont l'implosion s'accentue au fil de l'actualité.
Monsieur Gallo n'est pas visionnaire, il est bien plus que cela : c'est un historien. Reconnu en tant qu'intellectuel indépendant, agrégé d'Histoire, s'amusant souvent avec ses romans où sa science fétiche se détache au profit du romanesque, le voilà qui étudie le contexte national avec certes une plume grinçante et piquante, mais dont le procédé est louable lorsqu'on sent que tout cela est écrit avec brio et (surtout !) avec la sagesse pondérée d'un lettré.
En dénonçant ce souffle d'absurdité, cette « orthodoxie » du moment, cette dénonciation irraisonnée et irraisonnable d'un gouvernement à l'attaque acharnée contre l'ennemi qui a peur, du « phobe » que l'on voit partout, l'écrivain engagé propose un patriotisme rationnel pour remédier aux « citoyens susceptibles » qui finissent (malgré eux ?) aveuglés par leur mouvement aux revendications plus que souvent dangereuses.
Sans être misérabiliste, Gallo est méfiant, n'agit jamais en polémiste inquisiteur, son ton est plutôt énergique, symbole d'une colère maîtrisée ici retranscrite par un style oratoire. Le danger, d'après lui, est la manipulation historique qui veut voir en Napoléon un Führer ravivant la conscience noire, la « mission civilisatrice » d'un Ferry comme cause entière des « indigènes de France ». A quoi bon raviver un passé déjà reconnu ? Est-ce franchement une solution de penser d'abord à soi, à son passé que l'on recherche, que l'on "victimise" jusqu'à le médiatiser au possible, pour remettre en cause toute une nation ? Si les morts pouvaient ressusciter, ce serait tellement plus simple. Comme si on demandait à l'enfant de Papon (s'il en a un) de comparaître devant un tribunal pour justifier (et pourquoi pas le condamner ?) des actes de son père ! On le comprend bien : la sphère privée prend le pas sur la sphère publique, cette sacro-sainte « volonté générale » comme le reprendrait un Rousseau. Ce cercle vicieux ne peut, selon l'auteur, que conduire à une « balkanisation » où éclaterait le communautarisme. Racisme, intégrisme, rigorisme de la pensée, idéologies radicales, souci d'ordre, deviennent alors les principaux déchets... On regrettera toutefois le recul (trop sage ou trop lâche ?) face à la religion : restons dans l'humilité, et osons souligner ce gros défaut que comporte la laïcité française : d'un côté, la neutralité, mais de l'autre, le Noël reste férié... tout comme les fêtes religieuses chrétiennes et chrétiennes uniquement. Si l'État se réclame formellement de la laïcité, il ne faut aucune fête religieuse sur le calendrier. Avec le Noël férié, la laïcité se réclame de la tradition française catholique, et ne prend pas en compte les autres religions. Or, il faut être neutre jusqu'au bout ; ce jour est férié, donc reconnu par l'État officiellement et juridiquement ; voilà ce que note Gallo : la tradition. Mais cette tradition ne doit pas faire l'oeuvre d'une condamnation, l'historien prend le pas sur l'intellectuel et c'est pourquoi Gallo ne manque pas de souligner les imperfections du modèle français. Honnête, il nous l'affirme sans vergogne (après tout, pourquoi faudrait-il en avoir honte ?) : c'est un républicain universaliste. On peut être en désaccord avec l'homme, mais on ne peut contester la neutralité analytique de l'historien qui va jusqu'à épouser une interprétation sociologique sur le rôle passif des élites qu'il condamne. Corrosif, il critique des chefs d'État, des journalistes de pacotille, sans toutefois les nommer et laissant au lecteur le soin de les deviner ; ironie mal placée ou crainte de poursuites judiciaires ? On saluera pourtant l'engagement de monsieur Gallo qui, avec son livre saignant, fait figure de panacée pour l'esprit français. Le patriotisme est l'amour de son pays, ce n'est pas du nationalisme nauséabond qui exalte des passions oubliées. Alors oui, merci monsieur Gallo, quand une France se sacrifie sur l'autel de l'absurdité, on se dit que votre leçon en valait vraiment la peine.