4/10L'Epée de Darwin

/ Critique - écrit par Kassad, le 27/07/2004
Notre verdict : 4/10 - L'épée est émoussée (Fiche technique)

Il me semble clair que Dan Simmons n'est pas pour moi un auteur comme les autres. Mon pseudo, tiré d'Hypérion, en est la démonstration la plus visible. Auteur du moins impressionnant mais néanmoins imposant l'échiquier du mal, un policier où se mêlent fantastique, histoire et politique, il occupe une place particulière parmi les serial producteurs de best-sellers à l'américaine (type Michael Crichton, Clive Cussler et autres). La complexité et la richesse de ses romans (au moins des deux cités précédemment) tranchent avec le ton convenu et la sécheresse des autres. Ma déception, et encore je reste soft dans mes déclarations publiques, devant cette misérable Epée de Darwin n'en est que plus cuisante.

De quoi s'agit-il ? L'intrigue est assez classique pour celle d'un policier : un héros, du nom de Darwin Minor, se trouve confronté à un groupe de méchants vilains qui veulent sa peau, il finira par vaincre, ne craignez rien... Il est entouré de faire-valoir standards, un ami brave mais un peu balourd, une nana avec laquelle il finira forcément par sortir (oubliant par là-même un douloureux passé où sa femme et son fils sont morts), un adversaire type boss de fin de niveau de jeu vidéo (d'ailleurs il se le fait lui aussi mais d'une autre façon dans l'avant dernier chapitre). Pas la peine d'en dire plus vous saisissez un peu l'ambiance ? De toute façon je crois que seule une personne directement transplantée d'avant la seconde guerre mondiale peut être surprise par le déroulement et la construction de ce type de produit (je rechigne en l'espèce à utiliser les mots roman ou oeuvre). Pour compléter le tableau il me reste à préciser que le contexte, l'habillage de cet avatar mille fois reproduit, est celui des assurances. Plus précisément notre héros est un enquêteur à la solde des assurances, il est chargé de traquer les truqueurs, les accidents arrangés, les handicaps simulés. Il tombe durant ses enquêtes sur une organisation russe (le nom du méchant c'est Yaponchik) qui a décidé de passer à l'échelle industrielle dans le domaine...

Le prénom du héros, Darwin, n'est bien sûr pas choisi au hasard. Il s'agit d'une référence explicite aux célèbres Darwin Awards. Les fameuses récompenses données à ceux dont la mort est tellement idiote qu'ils contribuent à l'amélioration par défaut du genre humain : en éliminant leur patrimoine génétique ils font mécaniquement monter le niveau du QI mondial. Par exemple cet homme qui pour avoir des sensations fortes n'a rien trouvé de mieux que de fixer sur sa voiture des fusées d'aide au décollage pour avion de chasse sur porte-avions. Il voulait battre le record du monde de vitesse sur terre, il a fini encastré dans une falaise à plus de 150 mètres du sol... Bref vous voyez le genre. Il y a fort à parier qu'un jour où Dan Simmons s'ennuyait ferme il a dû tomber sur le site des Darwin Awards et a décidé d'en faire un roman. En effet, le récit est parsemé de telles anecdotes croustillantes. Le travail du héros fournissant l'excuse idéale. Mais comme ces dialogues où l'on doit placer des mots convenus à l'avance, le tout prend un air contraint et si au début ces histoires étonnantes font sourire à la longue on les voit venir à des kilomètres. Comme Dan Simmons reste un bon romancier il a bien senti que tout cela serait un peu léger pour faire tenir debout un roman un tantinet sérieux. Il a donc utilisé une deuxième caractéristique en dotant son héros d'une philosophie stoïcienne avec citations de Marc-Aurèle et d'Epictete à tout bout de champs. Bien tenté Dan mais Tom Wolfe dans Un homme un vrai l'avait déjà fait et de manière incomparablement plus magistrale. Là aussi sans trop m'avancer je suis sûr qu'il lisait ce roman alors qu'il surfait sur le site des Darwin awards...

Finalement vous aurez compris, je pense, quel est mon jugement sur ce livre. C'est le même que celui que je porte sur un plat de Bolino préparé en dix secondes au micro-onde : du réchauffé de déshydraté pour consommation immédiate. Il s'agit à peu près de l'opposé complet en terme d'imagination d'Hypérion. S'il a mis plus de trois semaines pour écrire ce roman je lui suggérerais d'aller voir son médecin pour ce qui serait un signe de fatigue inquiétant.