Ecrits fantômes
Livres / Critique - écrit par Kassad, le 12/05/2004 (Tags : mitchell fantomes david roman litterature livres livre
Ecrits fantômes commence au japon et se termine aux États-Unis et parcourt tout le globe entretemps. D'est en ouest comme le soleil qui se lève, c'est un réseau en forme de toile d'araignée que David Mitchell tisse. Quoi de commun entre un mélomane nippon amoureux d'une hongkongaise, un esprit qui visite les corps comme on change de chemise, un millénariste prêt à exterminer tous les "impurs", un trafiquant d'art à St-Petersbourg ou encore une scientifique poursuivie par tous les services secrets de la planète ? Une première piste pour vous : l'effet papillon, le moindre de nos gestes a des répercussions que nous-même ignorons. Chaque instant de votre vie est unique et se répercute sur le reste de l'humanité d'une façon inattendue et imprévisible. Et c'est bien le premier message que semble nous délivrer Mitchell : on a l'impression qu'il fait exprès de choisir ses personnages comme les plus distants qu'il est possible de l'être, que ce soit géographiquement ou bien psychologiquement. Et une fois ses personnages donnés il se plaît à les faire se croiser et agir les uns sur les autres de la manière la plus subtile qui soit. Si ce roman est un vaste jeu de piste il est aussi un grand exercice de style, l'auteur y mélange allègrement romance, espionnage, mysticisme et roman noir...
Vous comprendrez donc qu'il est difficile, voire impossible de résumer un roman de ce type. Et effectivement, même si sur la fin on ne reste pas sur sa faim, la conclusion reste suffisamment vague et ouverte pour prêter à de nombreuses interprétations. Pour ne pas tout dévoiler, mais encore une fois pour donner des pistes, je dirais juste que ce livre pourrait être le prélude à V pour Vendetta. Il faut donc approcher ce roman comme un conte, et l'on se prend facilement à suivre les tribulations de ces personnages sans véritablement se poser de questions. Aux détours de quelques phrases on tombe par inadvertance sur un petit clin d'oeil, une référence aux autres histoires, qui donne au roman une cohérence certaine.
Ecrits fantômes est le premier roman de David Mitchell. A ce titre il est impressionant de par sa construction sophistiquée et son éclectisme. Cependant, lors de sa lecture, je n'ai pas pu m'empêcher de penser que l'auteur aurait pu faire beaucoup mieux. Peut mieux faire, cette expression sur-utilisée par les professeurs frustrés trouve ici une application parfaite. On s'attend à chaque page à une illumination qui ne vient jamais, cependant on reste scotché par ces petites histoires qui s'entrelacent et qui en faisant mine de ne pas y toucher remuent des thèmes profonds. La tension monte au fil des pages mais la libération ne vient jamais... frustrant je vous assure. Ecrits fantômes est un OVNI littéraire dont je vous conseille tout de même la lecture, il remplacera intelligemment les best-seller préfabriqués (vous savez ceux où un groupe terroriste menace de lâcher une bombe nucléaire/des virus très très méchants/ce que vous voulez dans une grosse métropole mais où le héros arrive toujours in extremis sur une belle BM blanche) dans votre sac de plage cet été. En attendant impatiemment la suite (déjà parue en Angleterre, mon dieu que font les traducteurs)...