Donne-moi la lune
Livres / Critique - écrit par Danorah, le 25/05/2008 (Tags : marie galliez roxane lune pages delanssay cathy
Un magnifique livre illustré pour les enfants dont les adultes devraient aussi profiter avec délectation : Pierrot et Colombine revisités par le duo Galliez-Delanssay ne manquent pas de charme.
En publiant divers ouvrages illustrés par Cathy Delanssay, les éditions Auzou ont en quelque sorte trouvé la poule aux œufs d'or - il n'y a qu'à constater le succès de ceux-ci au dernier salon du livre de Paris. Parmi eux, Donne-moi la lune est une jolie fable romantique à souhait, mise en mots par Roxane Marie Galliez et donc illustrée - que dis-je, sublimée - par les dessins de Cathy Delanssay, dont la notoriété grandissante est plus que méritée.
Qui n'a jamais rêvé d'apprivoiser
la lune ? Pierrot, lui, a trouvé comment s'y prendre. Pourtant, pendant ce
temps, Colombine n'a d'yeux que pour Marcello, le beau violoniste qui enchante le
tout-Venise de ses notes veloutées. Mais qu'aime-t-elle réellement chez le
musicien ? Lui-même... ou sa musique ? Pierrot aura tôt fait de profiter
des doutes de la jeune demoiselle pour retourner la situation à son avantage...
Si vous voulez connaître la suite et la fin de cette palpitante histoire,
mettez le nez dans ce livre, et en quelques minutes vous saurez tout ce qu'il y
a à savoir ; notamment la jolie histoire de la naissance du violoncelle
selon Roxane Marie Galliez.
En réalité, ce n'est pas vraiment
dans l' « intrigue » que réside l'intérêt de Donne-moi la lune. Avec un titre et une
couverture pareils, d'ailleurs, il y avait de quoi s'en douter. Donne-moi la lune, c'est avant tout un
récit qui fait la part belle au rêve et au romantisme les plus forcenés, sans
la moindre retenue - c'est l'avantage qu'offrent les livres pour enfants :
alors qu'une histoire du même acabit mais destinée aux adultes serait étiquetée
« mièvre à vomir » et remisée au fin fond d'un tiroir poussiéreux
sans autre forme de procès, la même histoire
destinée aux enfants mais lue par
des adultes devient « tendre », « romantique » et « touchante ».
Pour les enfants, évidemment. Mais au passage, les adultes en profitent bien
pour donner libre cours à leurs envies d'eau de rose et de fleurs bleues.
D'autant plus que le dessin est ici un réel motif d'enthousiasme - pour peu, encore une fois, qu'on ne soit pas allergique aux petites fleurs et aux robes de princesses. Tout en rondeurs, les personnages de Cathy Delanssay, avec leurs doux yeux en amande et leur chevelure démesurée, s'attirent immanquablement l'affection du lecteur - on peine d'ailleurs à imaginer comment Cathy Delanssay pourrait dépeindre un personnage maléfique, si jamais l'occasion se présentait. Le dessin s'étale presque toujours sur des double-pages, et profite du format gigantesque que les éditions Auzou lui ont offert pour cultiver des décors ravissants et des textures de fond finement travaillées (tout comme celles des vêtements). Le tout navigue dans une atmosphère ouatée, chaque page étant agrémentée d'éléments flottant en apesanteur ou portés par le vent : feuilles, fleurs, flocons de neige, poussière d'étoiles ou encore double-croches...
Car la musique est omniprésente,
dans le dessin comme dans l'histoire et dans le texte ; texte qui n'est
pas écrit en vers mais résonne d'assonances et d'allitérations, et qui se dispose
avec parcimonie là où le dessin le lui permet, sans jamais empiéter sur ce
dernier : la minceur de l'histoire qui s'étale sur les 48 pages autorise
même la présence de quelques double-pages presque muettes, terriblement
expressives et réussies. On ne regrettera que l'usage apparemment sans aucune
justification de deux polices de caractères différentes, dont l'une manque
véritablement de cachet. Une recherche supplémentaire à ce niveau n'aurait sans
doute pas été superflue.
Poétique, léger et aérien, Donne-moi la lune nécessite une lecture (adulte) dans un état d'esprit adéquat : le cerveau légèrement embrumé par le rêve et bercé par la musique, les yeux remplis d'étoiles, le cynisme enfermé à double tour dans un placard et la naïveté recouvrée d'une enfance qu'on serait bien mal avisé de vouloir jeter aux oubliettes. Pour ce qui est du plaisir des yeux, il n'y a qu'à se laisser emporter ; Pierrot et Colombine feront le reste.