La Dernière torpille
Livres / Critique - écrit par Kassad, le 11/06/2004 (
La sous-marinade : un genre en plein essor
Depuis "A la poursuite d'Octobre Rouge" le roman de sous-marin est en passe de devenir un genre littéraire à part entière. Avec ses codes, ses passages obligés et des scénari produits à la chaîne. Je dois avouer que mes motivations pour cette lecture proviennent d'une part du titre, qui offrait vraiment trop de possibilité à un critiqueur en mode "destruction", et d'autre part de l'interrogation sur l'évolution des histoires de ce type depuis la chute du mur de Berlin : le méchant Russe n'étant plus d'actualité quels sont les nouveaux venus sur la planète des ennemis du monde libre ?
Un auteur au dessous de tout soupçon
Un point souvent mis en avant dans ce genre de production est la crédibilité que l'on peut accorder au récit. En fait on peut même aller jusqu'à dire qu'un livre de sous-marin est un manuel de l'utilisateur mis en scène pour illustrer les capacités de l'engin... En l'occurrence l'auteur, Michael Dimercurio est un ancien officier sous-marinier, donc label authenticité assuré. Bref nous sommes en théorie en face du parfait livre de plage (pour nous les hommes) avec de l'action, de la technologie et des méchants qui perdent tout le temps face au courage et à la vaillance d'un commandant sévère mais juste.
Un scénario d'après guerre froide
La dernière torpille marque la fin de la saga Pacino, un commandant de sous-marin hors pair. Dimercurio avait déjà écrit six romans autour de ce héros auquel est toujours opposé un fidel ennemi, Novskoy. Cependant je vous rassure il n'est nul besoin de se farcir les six premiers volumes pour aborder la dernière torpille (un titre dont je ne me lasse pas). Sachez que pour cet opus c'est un conflit entre la Chine et l'Inde, pour de sombres raisons géostratégiques liées à la découverte de pétrole dans un Tibet envahi par l'Inde, qui fournit le cadre du récit. Pas la peine d'en dire beaucoup plus, ce seront des Chinois qui termineront au fond du Pacifique, et je vous rassure la troisième guerre mondiale sera évitée grâce au sang-froid de notre héros favori. Le tout se passe dans un futur proche (2018) et une légère pellicule de science-fiction recouvre ce récit.
De profundis
L'un des problèmes quand on écrit une saga sous-marine est qu'il faut toujours en faire plus pour justifier un nouvel opus. En effet, rien ne ressemble plus à un tir de torpille qu'un autre tir de torpille et les courses poursuites en sous-marins sont comme les combats aériens de supercopter : une fois que vous en avez suivi une vous les connaissez toutes. La seule solution est donc la surenchère. Dans le premier roman le sous-marin coule un adversaire très fort, dans le suivant il faut qu'il coule une dizaine de bâtiments au minimum pour maintenir l'intérêt du lecteur. Alors imaginez ce que ça peut donner pour le 7ème ! Hé bien je suis au regret de vous informer que vous avez très certainement sous-évalué l'ampleur du délire que Dimercurio nous sort. Je crois que je n'ai encore jamais vu ça dans un roman qui se veut "sérieux". C'en est presque énervant de voir un foutage de gueule aussi complet. Pour vous donner un avant-goût de ce qui vous attend sachez simplement que vous y trouverez un cerveau synthétique commandant un sous-marin qui décide de bouder, qu'une manière d'utiliser sans danger des torpilles dont le calculateur est biologique est de leur donner des tranquillisants, que des commandants de navire de guerre américains peuvent décider de lancer une cinquantaine de missiles de croisières sur des cargos civils sans que personne n'y trouve rien à redire, qu'un commandant de sous marin peut décider de faire plonger son engin à moins 400 m alors qu'il n'est prévu que pour moins 50m... j'arrête là mais sachez que tout est à l'avenant. Il n'y a presque rien à sauver de ce naufrage, à peine quelques pages amusantes décrivant les premières micro-secondes de l'explosion d'une bombe à plasma. Le luxe de détail est étonnant et ce "zoom temporel" est suffisamment original pour être noté. Cependant, vous l'aurez compris, à moins que vous ne cherchiez un roman involontairement humoristique, je ne vous recommande pas la dernière torpille comme le livre à emmener dans votre sac de plage.