9/10Dead Zone

/ Critique - écrit par Otis, le 25/03/2006
Notre verdict : 9/10 - La roue de la fortune (Fiche technique)

Tags : dead zone film johnny cronenberg king stephen

Alors qu'il s'apprête à demander Sarah en mariage, professeur à l'université comme lui, Johnny Smith, aimé de ses élèves et collègues, a un accident. Le coma qui durera 4 années, va le faire revenir transformé. Physiquement d'abord, mentalement ensuite. En effet, un étrange pouvoir de devin lui permet d'aider ses proches. Pour cela, il lui suffit de toucher leur peau. Seulement, lorsqu'au cours d'un hasard fou, il serre la main au candidat à la présidence des Etats-Unis, alias Greg Stillson, il voit l'impossible. L'apocalypse ne fait que commencer...

"Je pense que Cronenberg a réussi là l'un des meilleurs films de sa carrière, et il s'inscrit loin de ces réalisateurs froids et techniques qui sévissent aujourd'hui. Et puis il a obtenu de fantastiques performances de ses acteurs. En revanche, le roman était fertile en incidents, couvrait un important laps de temps, les personnages évoluaient selon les événements... Je sais bien qu'au cinéma, il faut nécessairement faire les coupures qui permettront un suivi plus efficace de l'interaction entre les divers personnages. Le film avait effectivement cette richesse, mais à un niveau moindre du roman." (Stephen King)

Que dire ! Que dire si ce n'est que le grand art de Stephen King frappe d'un grand coup (de hache ?) à la porte de l'horreur. Ici, ce n'est pas, voire peu, de l'explicite.
Non, avec Dead Zone, King ne s'arrête pas pour « contempler l'accident », il ouvre la cervelle de son personnage central, tragique, touchant, à savoir Johnny Smith. Voilà un nom absolument bénin qui pourra permettre au lecteur de s'en identifier très facilement. On suit ses douleurs, ses chagrins, ses lamentations intérieures, ses regrets, ses amours perdus et l'horreur n'a rien à voir avec les scènes de cannibalisme dans La nuit des morts-vivants par exemple. Non, l'horreur c'est ce type obsédé par la violence, fanatique d'Hitler, et qui va réussir à devenir président des États-Unis. L'horreur devient alors implicite... et plus affreuse encore !


Imaginez les conséquences sur le monde. Et qui ne dit pas que ce jour arriverait ? C'est tout à fait possible. Regardez Arnold Schwartzenegger. Qui l'aurait vu gouverneur de Californie, il y a dix ans ?
Là, Stephen King rentre complètement dans son art visionnaire en nous montrant les faiblesses du système démocratique. Le danger déniché est d'apercevoir combien il est très facile d'accéder à la tête du pouvoir, même pour des personnes aux idées franchement radicales.
C'est aussi le premier livre de ma vie où j'ai versé une larme. Et moi qui hais le sentimentalisme ! Moi qui croyais que l'amour raté et tout ce qui s'enchaîne ne ferait rien à un stoïque de lecteur de ma veine ! Avec Dead Zone, Stephen King nous bluffe. Le long de ces 350 pages qui se tournent à une vitesse folle, on retrouve un suspense infernal entretenu par cette plume omnisciente qui n'oublie personne, et nous dévoile les haines et destins de chacun. Il faut aussi rajouter que cette trame-là, très précisément, est habilement respectée par Cronenberg. Dans son film, malgré quelques scènes qui s'en écartent, le coeur du roman et les personnages sont bien présents, la sensibilité kingienne aussi. On sent un réel sacrifice du cinéaste pour conserver la fidélité du récit.


Sans oublier ces symboles (le tigre, la roue de la fortune, le masque, l'odeur du caoutchouc brûlé, le tunnel) et cette psychologie disséquée si finement (la découverte de « l'étrangleur du Maine » est, pour moi, le fait le plus horrible du livre). On retrouvera l'engagement de King autour de la politique, la religion et les médias, puis quelques marques freudiennes comme l'étape de l'enfance qui expliquent si finement les conséquences sur les caractères de chaque personnage et plus particulièrement sur Johnny. Stylistiquement parlant, il est à souligner le juste rythme apporté dans le jeu des dialogues, et bien sûr, ce qui fait le talent incontestable de l'écrivain : son sens aigu d'une narration, ici, franchement soignée.
La fin, meilleure dans le roman que dans le film, comblée par une action lente, cinématographique, j'oserais dire hitchcockienne, agrippera longtemps vos nerfs par son intense torpeur, comme un rêve. Un rêve qui ne peut exister...

Grande tragédie fantastique, Dead Zone ou comment être Johnny Smith pendant plus de 300 pages...