8/10Danse Macabre

/ Critique - écrit par CBL, le 21/11/2003
Notre verdict : 8/10 - Mortellement macabre si j'ose dire (Fiche technique)

Tags : danse macabre danses siecle theme macabres france

On pourrait croire de façon stupide que les recueils de nouvelles ont été faits pour ceux qui ont de longs trajets en transports en commun mais avec plusieurs changements. En effet, on lit une des nouvelles, descend à une gare, remonte dans un autre train et on en entame une autre. Comme elles n'ont aucun rapport, il n'y a pas de risque d'être pris par le suspense.
C'est en tout cas ce que je croyais avant d'attaquer Danse Macabre. Je n'avais jamais lu les écrits de
Stephen King auparavant. Mais celui-ci est comparable à une drogue. Sitôt la fin d'une nouvelle, on n'a qu'une envie : démarrer la suivante pour avoir sa dose d'horreur et tant pis pour le changement de train. Vingt nouvelles en tout, vingt histoires totalement différentes plongeant aussi bien dans l'horreur pure que dans le meurtre froid, l'inexplicable démoniaque, la folie sanguinaire ou les délires narratifs.

Chaque nouvelle est propice à un nouveau style, passant d'une histoire type journal personnel à une description terne de l'action, usant voire abusant souvent de flashbacks, passant de la première à la troisième personne... L'effet est garanti : on est surpris et dépaysé à chaque nouvelle. L'avantage des histoires courtes est qu'on n'a pas besoin de bien planter les décors ou les personnages. Vite créés, vite oubliés, cela permet à King de nous promener un peu partout : station-service, gratte-ciel new-yorkais, champ de maïs... avec des personnages hétéroclites : couple en rupture, étudiante naïve, vieux barman, tueur à gages... On a souvent affaire à des héros et des situations lovecraftiens : les héros finissent les histoires de façon tragique c'est à dire souvent morts, fous ou disparus et pas vraiment dans des circonstances naturelles. Le plus jouissif est qu'on le ressent dès le début de l'histoire mais on s'accroche quand même à eux dans l'espoir qu'ils s'en sortent. C'est vraiment un des moteurs de ces nombreuses nouvelles avec bien sûr le suspense que King arrive à entretenir dans un faible nombre de pages. Que va-t-il se passer ? La théorie qu'on a établie au cours de l'histoire est-elle vraie ? Et nombre de ces questions n'ont parfois pas de réponse car de nombreuses histoires n'ont pas vraiment de fin et restent en suspens.

L'influence de Lovecraft se fait clairement ressentir dans la plupart du bouquin. La première nouvelle est même un hommage au maître en réutilisant complètement Le Mythe et quelques noms bien connus des fans de HPL comme De Vermiis Mysteriis ou Yog-Sottoth. Par la suite, Le Mythe se fait moins présent mais son ombre plane sur cette oeuvre et réapparaît de temps en temps, par exemple sous la forme du Necronomicon. Rempli de démons, de vampires et de machines possédées, Danse Macabre quitte parfois le registre du fantastique pour quelques digressions tout aussi macabres et excellentes. On retiendra l'épidémie de grippe, une méthode très spéciale pour arrêter de fumer ou l'histoire assez traumatisante d'une mère atteinte d'une maladie incurable et de son euthanasie... King sait aussi être plus léger avec ses petits soldats qui prennent vie pour venger la mort de leur créateur ou une histoire vraiment burlesque d'un tondeur de gazon d'un genre peu commun. Mais il excelle vraiment dans le gore et l'horreur. Il nous donne mal au coeur quand il décrit la façon dont un bras se fait broyer par une repasseuse et nous file des frissons quand il démolit froidement ses héros.

Quoi qu'il en soit, il a beau être modeste et citer Bradbury et Crichton, King nous livre ici une véritable perle à consommer sans modération, un véritable concentré d'imagination et d'atrocités écrites par quelqu'un de très malade et de très talentueux.