De bons présages
Livres / Critique - écrit par CBL, le 12/10/2004 (Tags : bons presages neil livre gaiman livres terry
Terry Pratchett dit : que l'humour et l'ironie soient. Neil Gaiman dit : que les divinités s'affrontent. Et De Bons Présages fut. Je ne sais pas en combien de temps ces deux écrivains renommés ont écrit le livre mais une chose est sûre : ils peuvent se reposer tranquille car on a rarement vu une coopération donner un aussi bon résultat. Imaginez le film La Fin Des Temps revisité par les Mython Pythons ou l'Apocalypse de Jean revu par Desproges et vous êtes encore loin du compte. Mais laissez moi d'abord vous résumer l'histoire.
Aziraphale et Rampa se connaissent depuis le Paradis et sont amis, à ce petit détail près qu'Aziraphale est un ange alors que Rampa est un démon (un ange déchu plus précisément) à la solde de Belzébuth. De nos jours, chacun vaque à ses activités : l'ange collectionne les bouquins de prophéties alors que le démon invente chaque jour des moyens pour tourmenter les humains comme Manchester ou les matières plastiques. Pas de chance pour eux, le prince des Enfers a envoyé son fils pour le substituer à un bébé terrien. Cela signifie que dans 11 ans débutera l'Apocalypse. Aziraphale et Rampa (qui sont chargés de provoquer la Fin des Temps) vont tout faire pour éduquer le garçon dans une voie neutre mais ils se rendent compte le jour de ses 11 ans que ce n'est pas le bon. S'en suit ce qui peut être la dernière course poursuite de l'Histoire vu qu'il reste 7 jours avant la date fatidique.
Je crois n'avoir jamais autant ri en lisant un bouquin. L'histoire de base est déjà propice à de nombreux quiproquos, jeux de mot et référence pseudo-bibliques qui sont souvent annotées. Le bouquin est truffé de notes racontant aussi bien de fausses anecdotes (comme la fondation de l'Ordre Babillard qui pousse des bonnes soeurs satanistes à parler tout le temps) que des digressions toujours agréables à lire. Mais le talent des deux compères consiste surtout à croquer notre époque et ses moeurs par le biais de cette histoire pas banale. (Quoi de plus démoniaque qu'un démarcheur téléphonique ?) En plus, on échappe à un pseudo-débat sur la religion qui plombait un peu des films comme Dogma, qui partait pourtant sur les mêmes idées. L'utilisation de notre « bon » vieux vingtième siècle ne s'arrête pas là. Les auteurs en ont profité pour rajeunir la Bible ce qui donne lieu à des images totalement surréalistes comme les Cavaliers de l'Apocalypse parcourant Londres à moto avec des blousons Hell's Angels. D'ailleurs en y réfléchissant, rares sont les passages du livre qui ne sont pas loufoques. Et ce ne sont pas les personnages qui apporteront un peu de calme dans ce chaos.
Les deux héros de base sont déjà sacrément gratinés, surtout Rampa, le démon qui roule en Bentley en écoutant du Queen (car toutes les cassettes audio qu'on laisse 15 jours dans une boîte à gants deviennent du Queen). Les autres sont du même style : entre le dernier soldat de l'Inquisition persuadé de l'hérésie de sa voisine, la descendante de la plus grande prophétesse de tous les temps, le Molosse des Enfers devenu animal domestique... Tous sont très savoureux à part peut-être le bambin infernal. Lui et ses amis sont très classiques, s'amusent gentiment et s'inventent leur monde. C'est à la fois plaisant à lire car cela rappelle des souvenirs mais ce sont aussi les rares passages longuets. En tout cas, ils sont la clé du message du livre.
Je ne connaissais ni Pratchett, ni Gaiman avant d'avoir commencé De Bons présages. Maintenant j'ai bien envie de m'y mettre. Avec un style gentiment ironique et sévèrement allumé doublé d'une histoire qui s'apparenterait presque à une fable (avec sa morale), ce livre est un petit chef d'oeuvre de la littérature fantastique et de l'humour noir. Recommandé pour toutes les âmes. Surtout les damnées ! (et sauf Christophe Lambert).